affaire peut arrêter monsieur, quand je le fais appeler ?
Je m’étais sali sur ces couches en tombant ; je me changeais.
Faut-il une heure ?
Il faut le temps.
Les domestiques ici… sont plus longs à s’habiller que les maîtres !
C’est qu’ils n’ont point de valets pour les y aider.
… Je n’ai pas trop compris ce qui vous avait forcé tantôt de courir un danger inutile, en vous jetant…
Un danger ! on dirait que je me suis engouffré tout vivant…
Essayez de me donner le change en feignant de le prendre, insidieux valet ! Vous entendez fort bien que ce n’est pas le danger qui m’inquiète, mais le motif.
Sur un faux avis, vous arrivez furieux, renversant tout, comme le torrent de la Morena ; vous cherchez un homme, il vous le faut, ou vous allez briser les portes, enfoncer les cloisons ! Je me trouve là par hasard : qui sait, dans votre emportement si…
Vous pouviez fuir par l’escalier.
Et vous, me prendre au corridor.
Au corridor ! (À part.) Je m’emporte, et nuis à ce que je veux savoir.
Voyons-le venir, et jouons serré.
Ce n’est pas ce que je voulais dire ; laissons cela. J’avais… oui, j’avais quelque envie de t’emmener à Londres, courrier de dépêches… mais, toutes réflexions faites…
Monseigneur a changé d’avis ?
Premièrement, tu ne sais pas l’anglais.
Je sais God-dam.
Je n’entends pas.
Je dis que je sais God-dam.
Eh bien ?
Diable ! c’est une belle langue que l’anglais, il en faut peu pour aller loin. Avec God-dam, en Angleterre, on ne manque de rien nulle part. Voulez-vous tâter d’un bon poulet gras ? entrez dans une taverne, et faites seulement ce geste au garçon. (Il tourne la broche.) God-dam ! on vous apporte un pied de bœuf salé, sans pain. C’est admirable ! Aimez-vous à boire un coup d’excellent bourgogne ou de clairet ? rien que celui-ci. (Il débouche une bouteille.) God-dam ! on vous sert un pot de bière, en bel étain, la mousse aux bords. Quelle satisfaction ! Rencontrez-vous une de ces jolies personnes qui vont trottant menu, les yeux baissés, coudes en arrière, et tortillant un peu des hanches ? mettez mignardement tous les doigts unis sur la bouche. Ah ! God-dam ! elle vous sangle un soufflet de crocheteur : preuve qu’elle entend. Les Anglais, à la vérité, ajoutent par-ci, par-là, quelques autres mots en conversant ; mais il est bien aisé de voir que God-dam est le fond de la langue ; et si monseigneur n’a pas d’autre motif de me laisser en Espagne…
Il veut venir à Londres ; elle n’a pas parlé.
Il croit que je ne sais rien ; travaillons-le un peu dans son genre.
Quel motif avait la comtesse pour me jouer un pareil tour ?
Ma foi, monseigneur, vous le savez mieux que moi.
Je la préviens sur tout, et la comble de présents.
Vous lui donnez, mais vous êtes infidèle. Sait-on gré du superflu à qui nous prive du nécessaire ?
… Autrefois tu me disais tout.
Et maintenant je ne vous cache rien.
Combien la comtesse t’a-t-elle donné pour cette belle association ?
Combien me donnâtes-vous pour la tirer des mains du docteur ? Tenez, monseigneur, n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, crainte d’en faire un mauvais valet.
Pourquoi faut-il qu’il y ait toujours du louche en ce que tu fais ?
C’est qu’on en voit partout quand on cherche des torts.
Une réputation détestable !