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Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/246

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Fanchette, naïvement.

Pas autrement que vous le dites : Tiens, petite Fanchette, rends cette épingle à ta belle cousine, et dis-lui seulement que c’est le cachet des grands marronniers.

Figaro.

Des grands…

Fanchette.

Marronniers. Il est vrai qu’il a ajouté : Prends garde que personne ne te voie !

Figaro.

Il faut obéir, ma cousine : heureusement personne ne vous a vue. Faites donc joliment votre commission, et n’en dites pas plus à Suzanne que monseigneur n’a ordonné.

Fanchette.

Et pourquoi lui en dirais-je ? Il me prend pour un enfant, mon cousin.

(Elle sort en sautant.)



Scène XV

FIGARO, MARCELINE.
Figaro.

Eh bien, ma mère ?

Marceline.

Eh bien, mon fils ?

Figaro, comme étouffé.

Pour celui-ci !… Il y a réellement des choses…

Marceline.

Il y a des choses ! Hé ! qu’est-ce qu’il y a ?

Figaro, les mains sur sa poitrine.

Ce que je viens d’entendre, ma mère, je l’ai là comme un plomb.

Marceline

Ce cœur plein d’assurance n’était donc qu’un ballon gonflé ? une épingle a tout fait partir !

Figaro, furieux.

Mais cette épingle, ma mère, est celle qu’il a ramassée !…

Marceline, rappelant ce qu’il a dit.

La jalousie ! Oh ! j’ai là-dessus, ma mère, une philosophie… imperturbable ; et si Suzanne m’attrape un jour, je le lui pardonne…

Figaro, vivement.

Oh, ma mère, on parle comme on sent : mettez le plus glacé des juges à plaider dans sa propre cause, et voyez-le expliquer la loi ! — Je ne m’étonne plus s’il avait tant d’humeur sur ce feu ! — Pour la mignonne aux fines épingles, elle n’en est pas où elle le croit, ma mère, avec ses marronniers ! Si mon mariage est assez fait pour légitimer ma colère, en revanche il ne l’est pas assez pour que je n’en puisse épouser une autre, et l’abandonner…

Marceline.

Bien conclu ! Abîmons tout sur un soupçon. Qui t’a prouvé, dis-moi, que c’est toi qu’elle joue, et non le comte ? L’as-tu étudiée de nouveau, pour la condamner sans appel ? Sais-tu si elle se rendra sous les arbres ? à quelle intention elle y va ? ce qu’elle y dira, ce qu’elle y fera ? Je te croyais plus fort en jugement !

Figaro, lui baisant la main avec respect.

Elle a raison, ma mère : elle a raison, raison, toujours raison ! Mais accordons, maman, quelque chose à la nature : on en vaut mieux après. Examinons en effet avant d’accuser et d’agir. Je sais où est le rendez-vous. Adieu, ma mère.

(Il sort.)



Scène XVI

MARCELINE, seule.

Adieu ; et moi aussi, je le sais. Après l’avoir arrêté, veillons sur les voies de Suzanne, ou plutôt avertissons-la ; elle est si jolie créature ! Ah ! quand l’intérêt personnel ne nous arme point les unes contre les autres, nous sommes toutes portées à soutenir notre pauvre sexe opprimé, contre ce fier, ce terrible… (en riant) et pourtant un peu nigaud de sexe masculin.

(Elle sort.)


ACTE CINQUIÈME


Le théâtre représente une salle de marronniers, dans un parc ; deux pavillons, kiosques, ou temples de jardins, sont à droite et à gauche ; le fond est une clairière ornée, un siége de gazon sur le devant. Le théâtre est obscur.

Scène I

FANCHETTE, seule, tenant d’une main deux biscuits et une orange, et de l’autre une lanterne de papier, allumée.

Dans le pavillon à gauche, a-t-il dit. C’est celui-ci. S’il allait ne pas venir à présent ! mon petit rôle… Ces vilaines gens de l’office qui ne voulaient pas seulement me donner une orange et deux biscuits ! — Pour qui, mademoiselle ? — Eh bien, monsieur, c’est pour quelqu’un. — Oh ! nous savons. — Et quand ça serait ? Parce que monseigneur ne veut pas le voir, faut-il qu’il meure de faim ? — Tout ça pourtant m’a coûté un fier baiser sur la joue !… Que sait-on ? il me le rendra peut-être. (Elle voit Figaro qui vient l’examiner ; elle fait un cri.) Ah !…

(Elle s’enfuit, et elle entre dans le pavillon à sa gauche.)



Scène II

FIGARO, un grand manteau sur les épaules, un large chapeau rabattu ; BASILE, ANTONIO, BARTHOLO, BRID’OISON, GRIPPE-SOLEIL ; troupe de valets et de travailleurs.
Figaro, d’abord seul.

C’est Fanchette ! (Il parcourt des yeux les autres à