doivent trouver la punition de leur audace. Oui, lorsque, dans l’abus de ces mêmes lois, les la Blache trouvent le moyen de dépouiller les héritiers directs d’un millionnaire, à l’aide d’un testament ; et son créancier, à la faveur d’un arrêt : car, à la fin, tant d’indignités m’arrachent à la modération que je me suis imposée.
Et la lettre est écrite de Grenoble, où le comte de la Blache était allé voir son père ! Bone Deus ! et le comte de Tuffières aussi allait voir le sien.
Mais pourquoi cette lettre n’est-elle pas cotée au rang d’une foule de pièces justificatives, qui ne sont pas plus justificatives que cette lettre ? Est-ce qu’elle ne serait pas timbrée de Grenoble ? Je vous demande bien pardon, M. le comte de la Blache, M. le conseiller Goëzman, madame, et vous aussi, messieurs Marin gazetier, Bertrand d’Avignon, Baculard d’ambassade, et autres qui voulez tous avoir part à l’excellente œuvre de ma perte, si je regarde à si peu de chose : mais vous êtes si adroits, si adroits, qu’il faut bien me passer un peu de vigilance. D’ailleurs, voyez combien de gens vous êtes après moi : gens d’épée, gens de robe, gens de lettres, gens d’affaires, gens d’Avignon, gens de nouvelles ; cela ne finit pas. Aussi mes ennemis n’auront-ils plus rien à y voir quand je serai sorti de cette coupelle où M. Goëzman m’a mis au creuset, où le sieur Marin fournit le charbon, et où Bertrand, Baculard et autres garçons affineurs soufflent le feu du fourneau.
Passons à l’examen de l’audience qui me fut, dit-on, accordée le samedi 3 avril au matin par M. Goëzman, et à celui des preuves sur lesquelles on l’établit.
Premièrement, je fais ici ma déclaration publique et formelle que je nie cette audience à mes risques, périls et fortune. Je déclare que je n’ai eu d’autre audience dans la maison de M. Goëzman, pendant les quatre jours du délibéré, que celle du samedi 3, à neuf heures du soir, en présence de Me Falconet et du sieur Santerre, mon gardien.
Je déclare que c’est chez M. de la Calprenède, conseiller de grand’chambre, que je montrai à M. Goëzman, avant le délibéré, l’article de la Gazette de la Haye où je suis si maltraité ; laquelle Gazette je ne laissai point à M. Goëzman, ni en aucun autre temps, comme il le dit ; car je l’ai chez moi enliassée avec les autres pièces extra-judiciaires relatives au même procès, soulignée aux mots importants, et avec ces notes en marge écrites de ma main : S’informer chez Marin où l’on peut avoir raison de ces infamies. Et plus bas : Voir M. Sartines. Et plus bas : Écrire à madame de… d’en parler à M. le duc de… Je déclare que, depuis ce jour, je n’ai vu qu’une seule fois M. Goëzman, le samedi 3 avril, à neuf heures du soir, accompagné, comme je l’ai dit, de Me Falconet et du sieur Santerre.
On me dispensera bien, je crois, de discuter la première preuve de cette audience du samedi matin, que M. Goëzman tire de son propre témoignage.
On me dispensera sans doute encore d’user mes forces contre la preuve tirée d’une lettre du comte de la Blache, datée de Paris le 18 septembre, c’est-à-dire plus de cinq mois après le 3 avril, du même style que celle de Grenoble, où il raconte à M. Goëzman que M. Goëzman lui a dit, le 3 avril au matin : Votre adversaire sort d’ici, quoiqu’il soit prouvé que l’adversaire du comte de la Blache n’en sortit pas ; et où il annonce que tout ce qui est écrit dans mon mémoire est faux, méchant, atroce, etc. ; quoique le comte de la Blache, absolument étranger à la querelle, ne puisse pas être plus instruit que le roi de Maroc ou le bacha d’Égypte, si ce que j’y ai dit est faux ou vrai, doux ou méchant, atroce ou modéré. Comme c’est sur des ouï-dire de M. Goëzman qu’écrit le très-reconnaissant comte de la Blache, cette preuve rentre et se fond dans la première ; et jusqu’ici, comme on le voit, la vérité n’a pas encore fait un pas.
La troisième preuve de M. Goëzman se tire d’un mémoire de moi, non daté, que M. Goëzman a, dit-il, heureusement conservé, sous le titre d’Argument en faveur de l’acte du 1er avril, et réfutation du système, etc. Lequel manuscrit n’a nul rapport à la question présente, et ne peut servir à fixer l’époque d’aucune audience.
La quatrième est fondée sur un autre manuscrit de moi, sans date, et que M. Goëzman a, dit-il, encore heureusement conservé, sous le titre de Réponse à quelques objections, etc. Et moi aussi, je dis heureusement ; car ce manuscrit contient une note précieuse qui le fait tourner en preuve contre l’audience du 3 avril au matin.
Si j’ai bien lu, voilà tout, je crois.
Après avoir montré la futilité des preuves que M. Goëzman rapporte de cette audience, je pourrais m’en tenir à ma déclaration formelle, que l’audience est fausse et ne m’a pas été donnée, parce que c’est à celui qui articule un fait à le bien prouver ; celui qui nie n’ayant qu’à se tenir les bras croisés jusqu’à ce qu’on lui taille de la besogne, en lui fournissant des preuves à combattre. Cependant, comme mon usage en cette affaire est d’aller au-devant de tout, après avoir prouvé négativement que les preuves mêmes de M. Goëzman détruisent son édifice, je vais prouver positivement que cette audience n’a jamais existé.
Il est prouvé au procès, par les dépositions des sieurs le Jay, Dairolles, de la dame Lépine, etc…, que, ce même samedi 3 avril au matin, Bertrand et le Jay furent chez madame Goëzman porter les cent louis ; que le Jay reçut de cette dame, à cette occasion, la promesse formelle que j’aurais une audience de son mari le soir même.
Mémoire de Bertrand, page 5 :
« J’envoyai chercher un fiacre ; nous y mon-