Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/610

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monnaie n’a pas de cours en Hollande pour des fusils, ce sont des florins qu’il y faut. On ne saurait même établir un cours de vos assignats aux florins, puisque, ne devant me payer ces fusils que dans deux ou trois mois après leur livraison, ni vous ni moi ne pouvons deviner ce que les assignats, qui perdent aujourd’hui trente-cinq pour cent contre nos écus, lesquels supportent encore la défaveur du change contre florins ; on ne sait, dis-je, ce que les assignats pourront perdre contre florins le jour que vous me payerez les fusils.

Vous ne voudriez pas non plus, si dans trois mois les assignats perdaient quatre-vingt-dix pour cent, me payer quarante mille louis avec quarante mille francs de valeur effective. — Non, sans doute, me dit-il. — Eh bien ! monsieur, laissons les assignats, traitons en florins, je vous prie ; et comme je sais bien que vous n’aurez en fin de compte que des assignats à m’offrir, qu’il soit bien spécifié que je ne suis tenu de les recevoir en payement qu’au cours contre florins du jour où vous me payerez les armes.

Oh ! mais je n’entends rien, me dit M. de Graves en riant, à tous ces comptes de change et de florins. — Je vous l’apprendrais bien, lui dis-je ; mais vous ne devez pas m’en croire, moi qui puis être soupçonné d’avoir un intérêt très-différent du vôtre. Connaissez-vous quelque banquier en qui vous ayez confiance ? priez-le de passer chez vous, je poserai la question devant lui.

Le ministre manda M. Perregaux, qui vint. J’établis devant lui la question des florins telle que je viens de la décrire, en lui disant qu’il ne s’agissait point encore du plus ou moins d’argent à donner pour le prix des fusils, mais seulement de la meilleure manière de faire à telle époque fixe un payement exact, à quelque prix que nous nous accordions. Je voudrais bien, lui dis-je, faire entendre au ministre que, quelque soit alors gain ou perte des assignats, cela ne doit point me toucher ; que c’est ce qu’on peut appeler la part au diable de l’affaire : car du vendeur ni de l’acheteur personne ne profitant de cette perte là, l’affaire seule doit en porter le poids. Il est bien clair que moi je dois payer chez l’étranger au plus fort change, en bons florins de banque, dont la valeur est reconnue partout ; au lieu que l’assignat que le ministre m’offre n’a chez les étrangers qu’une valeur fictive, soumise à la variation de tous les vents fougueux des événements politiques. M. Perregaux convint que j’avais parfaitement raison de m’assurer le change, et nous conseilla fort de terminer, à quelque prix que nous convinssions pour les armes.

Lui relire, le ministre me dit qu’il ne pouvait prendre sur lui .le changer ainsi les usages ; mais qu il en conférerait avec le comité militaire de l’Assembléi nationale. — - En ce cas-là, monsieur, faisons le thème en deux façons : je vous propose un prix m i en florins, payable au roui’- en a .m, -i vous l’aimez mieux, prenez sur vous tous les risques, les frais futurs qu’on doit payer encore, avec ceux qui’ j’acquitte aujourd’hui. Donnez le gain qu’il tant a mon vendeur, et qu’il eii.’.-’. el donnez-moi, à moi, une honorable commission : je vous en laisse absolument le maître 1 . Il alla consulter !<■ comité militaire. (Et voilà donc déjà des comités consultés Sur ces arme-. Aucune circonstance de cette grande affaire n’ira ld consultations.) Puis il m’envoya chercher pour me dire qu.’ h comitéétait d’avis qu’il ajoutât plutôt quelque chose au prix des fusils, que .1.’ rester charg .1.’ l’éventualité des dépenses a faire, ni même de payer eu florins ; qu’enfin il ne pouvait traiter qu’en assignats. — Eh bien ! monsieur, lui dis-je, a la !.. .nue heure, in assignats ; mai- fixons au moins leur valeur pour toujours, au cours qu’ils ont aujourd’hui : nous ne pouvons qu’ainsi savoir ce que nous ferons ; sans cela vous me feriez jouer, en vous les vendant, ces fusils, à la grossi aventure, el Dieu -ait à quelle valeur un pareil risque de payement, une telle éventualité devrait faire monter ces arme- ! et joignez-) encore la différence d’avoir acheté forcément -.axante mille fusils en bloc, et .le ]r- revendre au ’. iage, -ans savoir ee qu’un rejettera. Il m’est impossible, monsieur, de courir à la fois tant de hasards, de pertes, -i le prix que m. u- en donnez ne couvre tous ces risques, qu’on ne sait comment évaluer. .le vous ai proposé les risques à votre charge, i i d< me contenter d’une commission, les gains dé mon vendeur compris ; vous ne voulez entendre qu’à votre façon de compter. Cherchons encore une autre forme.

Vous avez augmenté avant-hier les marchés de vos fusils neufs de vingt-quatre.liv.,où ils étaient arrêtés en écus, à vingt-six liv. argent, r qu’on n’j perdil poinl. Mettons une’ juste proportion entre les fusils neufs et les miens, quoiqu’il y en ait, m’a-t-on dit, une partie de la belle fabrique de Culembourg, toul neuf-, qui valenl autant que vos meilleures armes.

Le ministre se consulta avec le comitésans doute, me lit revenir plusieurs fois, et puis me proposa enfin tnnlr liv. fixes en assignats, à tous mes risques. Je fis mon calcul en florins, et je vis qu’au cours de ce jour cela mettait chaque fusil au prix de 11 ii i f florins huit sous, -i ce prix-là eût été lixe en quelque temps que l’on payât, prévoyanl bien que tous Irais acquittés, toutes éventualités prévues, pourraient, à le pays, ta in- monter l’acquisition de ces fusils, rendus eu France, de six florins à six florins et demi : mon homme alors avail son bénéfice, et moi de quoi rouvrir les refards ei le - risques ; enfin, c était un marché net. i. Je remis un mémoir.

donw rai i M. Lecointrc

secret au ministre pour les comitils : je le