Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/631

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de laquelle aucun ministre, disait-il, ne pouvait me remettre une ordonnance de fonds.

— Mais, monsieur, dis-je avec chaleur, vous m’avez fait reconnaître dans l’acte que je les ai reçus comptant. — Cela est bien égal, dit-il. Il n’y a qu’à mettre une addition à l’acte, qui dira qu’attendu cette opposition, vous ne toucherez rien qu’elle ne soit levée.

— Messieurs, leur dis-je, ce Provins a été condamné deux fois ; il est sans titre contre moi, je n’ai nulle affaire avec lui : ce n’est qu’un instrument qu’on fait agir à défaut d’autre, pour m’arrêter de toutes les façons. Il demande quatre-vingt mille francs à mon vendeur le Brabançon, qui m’écrit ne lui rien devoir. Eh ! quel rapport cela peut-il avoir avec une affaire si majeure, qui regarde l’État et moi ? Gardez, si vous voulez, cent mille francs ou cent cinquante mille ; mais ne détruisez point un objet capital pour vous, en nous faisant user les mille et un délais que la loi accorde à cet homme, pour que l’arrêt qui le condamne ait son entière exécution.

— Monsieur, me dit M. Vauchel, cela est impossible au ministre ; mais faites en sorte que l’opposant s’explique au tribunal sur le maximum de sa prétention fausse ou vraie sur votre vendeur ; prenez-en acte : alors on pourra faire ce que vous demandez. — Non, non, monsieur, lui dis-je ; déchirons plutôt les traités, et qu’il n’en soit jamais question ! Dans huit jours au plus tard vous aurez vos cinq cent mille livres, et vous me rendrez mes contrats. — On ne déchire point d’acte, me dit M. Vauchel, quand un ministre l’a signé. Ces délais de condamnation solutive sont une affaire de quinze jours ; voulez-vous annuler un acte qui nous a coûté tant de soins, pour le retard d’une quinzaine ?

Pendant ce temps il faisait froidement l’addition à l’acte signé par nous tous, par laquelle il était bien dit que je ne touchais point’Tarif nt. Vous verrez, citoyens, quel usage on a fait depuis de mes reçus dans cet acte maudit, sans parler de la on qui en annulait l’effet. Vous en frémirez avec moi.

On me fit signer malgré moi l’addition ; et je m’en revins en fureur délibérer (trop tard) sur ce qu’il fallait faire, emportant avec moi les minutes du premier acte, chargées de la main du ministre, où le dépôt chez mon notaire est spécifié comme chose arrêtée. Je vus les remettrai, Leco C’était le 18 juillet. Provins avait été déjà jugé et condamné : mon avi l lit en me disant comme Vauchel : C’est l’affaire de quinze jours ! citoyens, voyez vos belles lois ! six mois après l’opposition, au 1< » décembre suivant, tous les délais de l’ordonnance n’étaient pas encore expirés ; et quand ils l’ont enfin été, lorsque ce Provins s’est trouvé condamné envers moi en tous dommages et intérêts, aii se pourvoir par appel contre cet arrêt. Il y a neuf mois que cela dure, et Dieu seul sait quand cela finira.

Nous avons depuis e auchel le conseillait, toutes les manières possibles de faire déclarer à cet homme devant le juge, à l’au quoi, pour le plus fort, il portail ses fai mandes contre le Brabançon mon vendeur, pour profiter de sa déclaration, en laisser le montant à la trésorerie nationale jusqu’à sa condamnation ultérieure, et me faire délivrer le reste. Mai— <>n l’avait trop bien endoctriné ! cet homme est resté dans le vague d’une opposition sans motif. Voilà ce que mon dénonciateur appelle ma reconnaissance de son droit.

Était-ce reconnaître un droit que de chercher tous les moyens d’engager le gouvernement à me payer, malgré cette opposition illusoire ? et pouvais-je ne pas céder, lorsqu’on refusait de le faire, après les signatures données sur l’acte portant mon reçu de sommes que je n’ai point reçues ? Me restait-il d’autre ressource, dans l’état où l’on m’avait mis, que de constater tout au moins, en cette restriction, que l’opposition de cet homme, n’avait parlé qu’après’< s signatures qu’on ne voulait plus annuler, avait suspendu des payements qu’on soutiendrait peut-être aujourd’hui m’avoir faits, notre acte en portant mon reçu, si l’addition signée ne démontrait pas le contraire ? Que n’ai-je pu ravoir cet acte et le déchirer en mille pièces à l’instant où j’ouvris les yeux ! Tout est horrible en cette affaire.

Arrêtons-nous ! je sens que mon lecteur se lasse. Mon indignation qui renaît me rend moi-même hors d’état de continuer avec modération.

Qu’avais-je donc gagné, Lecointre, en sacrifiant mon intérêt de vendre à l’étranger à l’intérêt bien plus puissant de servir la patrie ? Rien, sinon d’avoir reconnu que les ministres royalistes ni les comités réunis n’avaient cherché à nuire à cette affaire nationale ; qu’un fort parti dans les bureaux d’alors et les ministres populaires avaient seuls mis tous les obstacles qui nous empêchaient d’avancer.

Mais moi, quel était mon état ? J’avais perdu ma vraie propriété, et fait à mon pays le sacrifice d’avantages que l’on m’offrait ailleurs, sans avoir même acquis la sûreté de mon payement, puisqu’on m’avait forcé la main sur le dépôt chez m<ui ous le vain dédommagement d’un intérêt dontji im voulais pas, donl je n’aipas touchéunsou, quoiqu’on ait fail assurera Lecointre que l’on m’avait payé pour l’intérêt échu la somme de soixante-cinq mille livres, tandis qu’<m a trouvé moyen d’arrêter, sans me rien payer, les intérêts, les capitaux, enfin jusqu’à mon propre argent, par d’indignes oppositions !

Mais ceci n’était rien auprès de tout ce qui suivit. Malgré l’horreur que j’en ressens, j’ai commencé, il faut finir. Vous allez voir, ô citoyens ! par les époques qui vont suivre, jusqu’où, dans un temps