Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/632

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de désordre, la scélératesse en crédit a osé porter son audace pour tâcher de faire périr un citoyen irréprochable, et parvenir enfin à voler la nation sans qu’on pût s’en apercevoir, comme on le fait de tous côtés. Mais malheur à qui m’a forcé d’entrer dans ces affreux détails ! Ils ont tous espéré me faire égorger par le peuple trompé ; cinq fois l’affreux poignard a menacé ma vie ; s’ils le font aujourd’hui, c’est un crime perdu : leur infamie est imprimée.

QUATRIÈME ÉPOQUE

Malgré l’angoisse que j’éprouve, il faut poursuivre mon récit. Ô Lecointre, si vous n’êtes pas un instrument banal de toutes les vengeances secrètes ; ô Convention nationale, qui m’avez jugé sans m’entendre, mais sur l’équité de laquelle repose encore tout mon espoir ; ô Français, à qui je m’adresse, écoutez un bon citoyen qui dévoile une vérité que l’intérêt national, contre son intérêt, le forçait seul de retenir !

Vous le devez. Souvenez-vous de ce dilemme sans réplique, inséré dans ma pétition : Si je ne prouve pas à votre gré que les traîtres à la patrie sont ceux qui me font accuser, je vous fais présent des fusils ; si ma preuve vous paraît bonne, je m’en rapporte à vous sur la justice qui m’est due.

Dévorez donc, ô citoyens, l’ennui de cette discussion ! Ce n’est point pour vous amuser que j’écris, c’est pour vous convaincre ; et vous y avez, j’ose dire, un plus grand intérêt que moi. Irréduite, je puis perdre sur ces

fusils ; mais vous, quand vous renoncez, vous faites à la fois une grande perte et une plus grande injustice.

Écoutez-moi aussi, vous qui applaudissiez quand on lança sur moi ce Taux décret d’accusation, comme si l’on eût annoncé un triomphe pour la patrie, com —i un motil secret eùl lait saisir à tout le momie un prétexte pour m

Ornes concitoyens, cette cause, entre non— ;, se divise en deux parts. Je dois prouver que j’ai rai-je ne puis aller plus loin. Vous qu’un >sé trompa, vous devez revenir sur vous cl me faire bonne justice : car la France et l’Eu : ni le proi es sous les yeux, pèseront à leur >ur dans leur balance redoutable 1 accusateur, I iccusé et les juges

Vucune di — pièces que je vous ai fait lire ne saurait être récusablc ; toutes sonl authentiques, 11 1’< notai ii ï, > ■ qui U s judiciairt s el pii > ■ d> < ndanec, dont les originaux sont dans les buministn s. C’est l’ouvrage de chaque jour, haque jour amenai ! sa peine ; el plus je vais mon lits, plus j’espère vous attacher à 1 — nd intérèl qui touche à la chose publique. Prêtez-moi donc votre attention.

Le lendemain de ce contrat tant de fois brusquement changé, contrat qui m’était tout el ne mi donnait rien, mon notaire me dit : « Vous êtes abusé : cette addition après les signatures, qui vous soumet a des délais pour toucher voln propre argent, qu’on peut prolonger tant qu’on veut, ni le trait.— qui la précède, ne disent pas un mot du sacrifice que l’on vous a fait faire du dépôt de vos fonds chez moi, régit par trois comités ; dépôt qu’on a eu Fart de retrancher de l’acte, sans qu il reste la moindre trace d’un dévouement aussi parlait. — Je ne puis croire, lui dis-je, que l’on ait eu cette intention cruelle., « Je ne vois pas non plus dans ce traité, dit-il. sur quel motif vous aurez droit de sollii itei d’autres fonds s’ils vous devenaienl nécessaires, ni même de toucher vos di ux >> nt milh florins, —i deministres malveillants prenaient la place de ceuxci. Je vois que l’on vous a mené, de circonstance en circonstance, à signer un ai te onéreux, plus onéreux qu’on n’ose due. puisqu’on n’j met pas pour motifs les sacrifices qui l’ont dénaturé. » Je revins chez moi, confondu île la faute que j’avais faite. Je me suis vu trois foi-, dis-je, pris sur le temps par les changements successifs du premier commis rapporteur. Mais les ministres on ! étési honnêtes ! Refuseront-ils de reconnaître que je fus patriote el désintéressé en sacrifiant le. — sûretés aux besoins du département ? oublieront-ils qu’ils m’ont promis di m’en foin un très-grand honneur auprès des comités de l’Assemblée nationale ?

Je vais leur écrire à l’instant. Leur conduite me montrera s’ils sont entrés pour quelque chose dans les atteintes qu’on me porte, s’ils ont cru servir le parti qu’on nomme autrichien et nuire à l’arrivée des armes, en faisant retenir mes fonds, sans lesquels je ne puis marcher, et sans qu’il me reste une preuve du mérite que j’eus de leur laisser mes capitaux, à la prière qu’ils m’en firent ! Mon cœur était serré dans un étau. Je pris la plume, et j’écrivis la lettre timide qui suit :

À MM. Lajard et Chambonas, ministres de la guerre et des affaires étrangères.

« 20 juillet 1792.

« Messieurs,

« Le traité qui vient d’être passé entre vous et moi, sur les soixante mille fusils retenus si injustement en Hollande, vous a donné de nouvelles preuves de l’abnégation continuelle que je fais de mes intérêts pour le service de la patrie.

« Vous avez insisté, messieurs, sur ce que je fisse aux besoins actuels du département de la guerre le sacrifice du dépôt convenu entre nous, chez mon notaire, de toute la somime qui m’est due, en vertu de ce même traité, jusqu’à son entier payement.

« Messieurs, des armes achetées et payées par