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JEAN BÊTE À LA FOIRE, SCÈNE VI.

ARLEQUIN, chantant. Les filles sont comme ça : L’cœur est leux z’amorce.

CASSAN’DRE. tu n’as que ton ours dans la tête ; ne vois-tu pas que c’est un honnête citoyen de Chambéry, qui travaille en vaisselle plate d’hasard ?

ARLEQUIN, chantant. Prenez-les par là, Z’elles n’ont pus de force, — Bon.

GILLES. S’il y a quelque temps qu’il est là, il pourra nous dire ce qu’est devenu le Turc et son diable d’ours. Ah ! jarni, qu’il lui ressemble !

ARLEQUIN", chantant. La fariradondaine gué, La fariradondé.

CASSAN’DRE. Tu as raison, Gilles… Hé ! l’ami ?

ARLEQUIN, chantant. Un jour j’l'aperçus Seul avec ma belle…

GILLES. Parlez nous donc, visage de cul de chaudron !

ARLEQUIN. Le v’là qui s’met dessus L’herbette auprès d’elle. — Bon.

CASSAN’DRE, le touchant avec le bout de son bâton. Eh ! l’ami, l’ami ! dis-nous un peu…

ARLEQUIN’, lui donnant un grand coup de batte. Bonjour, messieurs, vous ne m’aviez jamais vu ? Eh bien ! vous me voyez.

GILLES. Comme lu dis, barbouillé !

ARLEQUIN, branlant sa batte. Réparateur de cheminées, raccommodeur d’assiettes et rebouisseur de plats, messieurs (il donne un coup à Gilles) ; gare de mon jour.

CASSANDRE. Ces ! fort bien fait, z’ami ; mais…

CILLES. Y a-t-il déjà quelque temps que tu es assis devant ste porte ?

ARLEQUIN. Comme je me porte ? mieux qu’un oignon, toujours, car il se porte la tête en bas, et moi tu vois que la terre baise cadet mon ami.

CASSANDRE. Dis-nous t’un peu, mon garçon…

ARLEQUIN. Messieurs, votre serviteur, je n’ai rien à vous dire ; je n’ai point vu l’homme que vous cherchez, et qui vous a exterminés.

CASSANDRE. Ah ! ah ! comment sais-tu que nous cherchons t’un homme qui nous a exterminés ?

ARLEQUIN. C’est vous qui le dites.

uili.es. Nous ne l’en avons pas encore parlé, figure do poêle a marrons.

ARLEQUIN. Non ? eh bien ! je l’ai donc rêvé ?

GILLES. Oui, mais sais-tu bien, poêlon, que nous allons te fourrer les deux poings dans le gosier, ci te retourner comme une peau de lapin, si tu ne nous dis pas ce qu’il est advenu ?

ARLEQUIN, chantant. Turlututu, chapeau pointu… n’est-ce pas un homme à pied, déguisé t’en Anglais avec un habit de Turc, pour vendre des drogues et débiter des menteries, que vous cherchez ?

CASSANDRE. Justement !

GILLES. Et qui a z’un enragé d’ours qui grogne… boum… boum…

ARLEQUIN. Oh bien ! celui que j’ai vu est habillé en pêcheux qui vend des goujons, et il est moulé sur un àne, monsieur, et qui lirait : hi hou, hi bon.

UII.I.ES. Répondez, père Cassandre, c’est z’à vous que monsieur parle.

CASSANDRE. J’entends bien ; mais enfin, mon garçon, à àne ou à pied, ous qu’il est z’allé ?

ARLEQUIN. Rah... Il est bien loin -’il court toujours.

GILLES. On te demande de quel coté z’il a tourné ?

ARLEQUIN. Oh ! de quel côté ? vous voyez bien ce cul de sac, à main droite, si bien garni de Meurs, paroles ne puent pas, tout le Ions du mur.

GILLES. A main droite ?

CASSAN’DRE. Je le connais, c’est z’oii je vais toujours… quand je veux… Oh ! s’il a donné dedans, il est pris.

CILLES. Par le nez d’abord ; il y est donc entré ?

ARLEQUIN. Au contraire, il a enfilé t’une grande rue à main gauche où a ste maison qui fait le coin.

GILLES. Relie indication ! comme s’il n’y en avait pas à toute rue !

CASSAN’DRE. A-t-il dit dans quel quartier il allait ?