Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/857

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fortes, mais devenues insoutenables dans un temps de décadence, achèvent de détruire un édifice que l’orgueil et l’ignorance avaient ébranlé dans ses fondements.

On peut rapporter à cet exemple tous les genres de travaux de l’Espagne. Le même esprit régnant partout, il faut que la conséquence naturelle que j’en ai tirée arrive de manière ou d’autre, tant qu’on ne tournera pas au profit de la chose même cette fierté ou cette jalousie qui fait le fond du caractère espagnol.

Mais, comme il n’y a dans tout pays que le gouvernement qui voie dans le grand, il n’y a aussi que lui qui puisse mettre en œuvre les moyens supérieurs qui amènent nécessairement une nation à exécuter les choses que la prévoyance des chefs depuis longtemps disposait en silence ; et l’effet doit en être d’autant plus sûr qu’il a été préparé de plus loin. Jetons un coup d’œil sur les voisins de l’Espagne : il nous mettra tout d’un coup sur la voie qu’elle semble devoir tenir pour réparer le temps perdu.

Aht. 7. — Toutes les nations de l’Europe ne sont occupées qu’à s’étudier réciproquement et à tâcher de s’approprier touti — ertesd’autrui. Pourquoi l’Espagne seule a-t-elle l’air de rester, sur cette étude, dans la plus parfaite indifférence ? Les banquiers, les négociants, les manufacturiers, les mécaniciens, envoient d’un pays à l’autre leurs jeunes gens apprendre les différentes manières d’ouvrager, fabriquer, négocier, traiter. Les Anglais, les Hollandais, les Allemands. viennent en France ; les Français vont en Hollande, en Angleterre, eu Allemagne ; une découverte, en quelque art que ce soit, est enlevée presque aussitôt qu’elle parait, et de cette émulation réciproque, de ce commerce d’études et de lumières nait la balance qui règne entre ces nations.

Art. 8. — Pour appliquer ces idées au sujet que je traite, je voudrais que le gouvernement espagnol, à l’instar des autres gouvernements, favorisât de tout son pou rations de jeunesse, qu’aussitôt qu’on établit une manufacture pagne, on envoyât, eu France, en Angleterre, ou en Hollande, des jeunes gens étudier cet art sous les plus grands maîtres ; que l’on consultât plus les dispositions et les talents que les facultés des sujets, et qu’on les aidât de peu, suivant l’esprit des établissements que diverses puissances ont à Rome pour l’étude des arts de luxe et de goût. Pendant que des étrangers appelés exprès fonderaient la manufacture et commenceraient des écoliers en Espagne, il s’élèverait hors du royaume des sujets qui, revenant très-habiles, rafraîchiraient, pour ainsi dire, une science que les vices ci-dessus expliqués commençaient à altérer. Ces jeunes gens, étant 1. lient plus l’envie, mais animeraient l’émulation de levers 1 triâtes..Nul ne serait admis aux emplois les plus lucratifs, qu’il n’eût acquis chez l’étranger la su]h non ;, ;, i difficile à attraper dans des îtablior, ?.mentsde nouvelle date ; et, par ci d’élèves, chaque manufacture acquerrait bientôt ndeur et un débit que nulle autn

peut lui donner. On sentira facilement l’avantage de ces moyens, lorsqu’on réfléchira de les voisins de l’Espagne sont plus avancés qu’elle dans toutes ces parties.

Art. 9. — Le choix des gens appelé ; poi des établissements est surtout digne de l’attention du gouvernement, maïs il est difficile qu’un peuple qui vent attirer chez lui des maîtres habiles dans chaque art ou métier y parvienne sans de précautions et sans quelque sacrifice. Un député qui sait à peine la langue et connaît peu l’état actuel et les usages d’une nation él ère capable d’y découvrir à point

— r er et déterminer les sujet rés, les plus sages, dans toutes les professions, car ou ces gens sont placés avantageusement, ou ils sont veillés de près : d’où il résulte que les de ces commissions, malgré le z

y mettent, s’en acquittent ordinaireme mal au gré des commettants. Dans l’alternative de se compromettre ou de prendre ce qui leur tombe snus la main, on sent qu’ils ne peuvent guère déplacer que des sujets médiocres, ou des gens très--es.

Art. 10. — Ces considérations m’amènent naturellement à réfléchir que toutes les nal l’Europe ont les unes chez les autres des j sous diverses dénominations, dont les vues, les instructions, les correspondances, sont d’une tout autre nature, et j’ose ajouter, d’une bien plus grande utilité que celle îles fastueux ambassadeurs. L’Espagne est encore la seule qui n’ait point, hors de chez elle, de pareils agents, quoiqu’aucune ce n’en ait autant besoin. Je voudrais donc que le ministère d’Espagne entretint dans chaque capitale étrangère un agent, dont la fonction lût de l’instruire sur tous les objets d’agriculture, de fabrique, de commerce intérieur, de marine et même de finance : qui fût le point d’appui et le protecteur né de tous les sujets que l’Espagne y enverrait pour se former ; qui les veillât et les appliquât selon leurs talents. Je voudrais que son instruction secrète fût de connaître les grands sujets en tout genre, afin de pouvoir faire des choix à mesure qu’on en aurait besoin. Il y a un conseil de France à Madrid qui veille aux inti Français établis en Espagne, mai— qui n’est pis d’une grande utilité pour la France prise en général : au lieu qu’un consul d’Espagne à Pari-, pour peu qu’il fût éclairé, serait un homme important et national. Tout ce qui ne peut se faire par un and seigneur pour se donner

— d’un certain détail, se ferait par lui. Rien