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Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/93

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EUGÉNIE, ACTE II, SCÈNE XII.

madame murer, d’un air distrait.

Comme dit fort bien monsieur, les précautions sont toujours utiles en affaires : chacun prend les siennes.

le capitaine, cherchant des yeux.

Mais où donc est-il ?

le baron.

Qui ?

le capitaine.

Votre fils.

le baron.

Mon fils ? Qui le sait ?

madame murer.

À quoi tend cette question, monsieur ?

le capitaine.

N’est-ce pas son affaire qui vous attire tous à Londres ?

le baron.

Pas un mot de cela : un maudit procès dont je ne sais autre chose, sinon que j’ai raison… Mais connaîtrais-tu déjà l’aventure de mon fils ?

le capitaine.

C’est une misère, une vétille, moins que rien.

le baron.

Sans doute : il n’y a que la subordination…

madame murer, sèchement.

J’admire comment monsieur a le don de tout deviner : nous en recevons la première nouvelle à l’instant.

le capitaine.

Moi, je l’ai vu, madame.

eugénie.

Mon frère ?

le capitaine.

Oui, mademoiselle.

le baron.

Où ? quand ? comment ?

le capitaine.

Au parc, avant-hier, sur la brune. Sir Charles est ici secrètement depuis cinq jours ; il ne sort que le soir, parce qu’il s’est battu contre son colonel : il fit appeler le chevalier Campley. N’est-ce pas cela ?

madame murer.

Nous n’en savons pas tant.

eugénie.

Où pourrons-nous le trouver, monsieur ?

le baron.

En quel lieu loge-t-il ?

le capitaine.

Ma foi, je n’en sais rien ; mais je lui ai fait promettre de me venir voir. J’arrangerai son affaire : j’ai quelque crédit, comme vous savez.

madame murer, dédaigneusement.

La seule chose dont nous ayons besoin est justement celle que monsieur ignore.

le capitaine.

Mais, madame, je n’ai pas pu le prendre à la gorge pour lui faire déclarer sa demeure ; et en lisant tout à l’heure le billet du baron, je croyais de bonne foi le rencontrer ici.

madame murer.

Cela est d’autant plus malheureux, que, dans le besoin où il est d’un protecteur, nous en avons un qui peut beaucoup auprès du ministre.

le capitaine.

Oh ! ce pays-ci est tout plein de gens qui font profession de pouvoir plus qu’ils ne peuvent réellement. Quel est-il ? Je vous dirai bientôt…

madame murer, dédaigneusement.

Ce n’est que le comte de Clarendon.

le capitaine.

Le neveu de milord duc ?

madame murer.

Pas davantage.

le capitaine.

Je le crois. Son oncle l’idolâtre : il est fort de mes amis. Je me charge, si vous voulez…

madame murer, d’un air vain.

Il me fait aussi l’honneur d’être un peu des miens.

le baron.

C’est lui qui nous loge.

le capitaine.

Vous avez raison. Je regardais en entrant… Mais ce valet a détourné mon attention… Eh parbleu ! c’est un homme à lui. Je disais bien… Je reconnais tout ceci. Nous avons fait quelquefois de jolis soupers dans ce salon : c’est, comme il l’appelle à la française, sa petite maison.

madame murer, fièrement.

Petite maison, monsieur ?

le baron.

Eh ! petite ou grande, faut-il disputer sur un mot ? Il suffit qu’il nous la prête… Il était ici il n’y a pas une heure.

le capitaine.

Aujourd’hui ? Je l’aurais parié à Windsor.

le baron.

Il en arrivait.

le capitaine.

C’est ma foi vrai. J’oubliais que le mariage se fait à Londres.

madame murer et eugénie., en même temps.

Le mariage !

le capitaine.

Oui, demain. Mais vous m’étonnez : il n’est pas possible que vous l’ignoriez, si vous l’avez vu réellement aujourd’hui.

le baron.

Je le savais bien, moi.

madame murer, dédaigneusement.

Hum… C’est comme la petite maison. Que voulez-vous dire ? Quel mariage ?

le capitaine.

Le plus grand mariage d’Angleterre : la fille du comte de Winchester : un gouvernement que le roi donne au jeune lord en présent de noces. Mais