Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages.djvu/136

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 doit être joué très noblement, mais avec grâce et liberté. La
corruption du cœur ne doit rien ôter au bon ton de ses manières. Dans les
mœurs de ce temps-là les Grands traitaient en badinant toute entreprise sur les
femmes. Ce rôle est d’autant plus pénible à bien rendre, que le personnage est
toujours sacrifié. Mais joué par un comédien excellent (M. Molé), il a fait
ressortir tous les rôles, et assuré le succès de la pièce.
Son vêtement des premier et second actes est un habit de chasse avec des
bottines à mi-jambe, de l’ancien costume espagnol. Du troisième acte jusqu’à la
fin, un habit superbe de ce costume.
La Comtesse, agitée de deux sentiments contraires, ne doit montrer qu’une
sensibilité réprimée, ou une colère très modérée ; rien surtout qui dégrade, aux
yeux du spectateur, son caractère aimable et vertueux. Ce rôle, un des plus
difficiles de la pièce, a fait infiniment d’honneur au grand talent de
mademoiselle Saint-Val cadette.
Son vêtement des premier, second et quatrième actes, est une lévite commode et
nul ornement sur la tête : elle est chez elle, et censée incommodée. Au cinquième
acte, elle a l’habillement et la haute coiffure de Suzanne.
Figaro. L’on ne peut trop recommander à l’acteur qui jouera ce rôle de bien se
pénétrer de son esprit, comme l’a fait M. Dazincourt. S’il y voyait autre chose
que de la raison assaisonnée de gaieté et de saillies, surtout s’il y mettait la
moindre charge, il avilirait un rôle que le premier comique du théâtre, M.
Préville, a jugé devoir honorer le talent de tout comédien qui saurait en saisir
les nuances multipliées, et pourrait s’élever à son entière conception.
Son vêtement comme dans le Barbier de Séville.
Suzanne. Jeune personne adroite, spirituelle et rieuse, mais non de cette gaieté
presque effrontée de nos soubrettes corruptrices ; son joli caractère est dessiné
dans la préface, et c’est là que l’actrice qui n’a point vu mademoiselle Contat
doit l’étudier pour le bien rendre.
Son vêtement des quatre premiers actes est un juste blanc à basquines, très
élégant, la jupe de même, avec une toque, appelée depuis par nos marchandes à la
Suzanne. Dans la fête du quatrième acte, le Comte lui pose sur la tète une toque
à long voile, à hautes plumes et à rubans blancs. Elle porte au cinquième acte
la lévite de sa maîtresse, et nul ornement sur la tête.
Marceline est une femme d’esprit, née un peu vive, mais dont les fautes et
l’expérience ont réformé le caractère. Si l’actrice qui le joue s’élève avec une
fierté bien placée à la hauteur très morale qui suit la reconnaissance du
troisième acte, elle ajoutera beaucoup à l’intérêt de l’ouvrage.
Son vêtement est celui des duègnes espagnoles, d’une couleur modeste, un bonnet
noir sur la tête.
Antonio ne doit montrer qu’une demi-ivresse, qui se dissipe par degrés ; de sorte
qu’au cinquième acte on ne s’en aperçoive presque plus. Son vêtement est celui
d’un paysan espagnol, où les manches pendent par-derrière ; un chapeau et des
souliers blancs.
Fanchette est une enfant de douze ans, très naïve. Son petit habit est un juste
brun avec des ganses et des boutons d’argent, la jupe de couleur tranchante, et
une toque noire à plumes sur la tête. Il sera celui des autres paysannes de la
noce.
Chérubin. Ce rôle ne peut être joué, comme il l’a été, que par une jeune et très
jolie femme ; nous n’avons point à nos théâtres de très jeune homme assez formé
pour en bien sentir les finesses. Timide à l’excès devant la Comtesse, ailleurs
un charmant polisson ; un désir inquiet et vague est le fond de son caractère. Il
s’élance à la puberté, mais sans projet, sans connaissances, et tout entier à
chaque événement ; enfin il est ce que toute mère, au fond du cœur, voudrait
peut-être que fût son fils, quoiqu’elle dût beaucoup en souffrir.
Son riche vêtement, au premier et second actes, est celui d’un page de Cour
espagnol, blanc et brodé d’argent ; le léger manteau bleu sur l’épaule, et un
chapeau chargé de plumes. Au quatrième acte, il a le corset, la jupe et la toque
des jeunes paysannes qui l’amènent. Au cinquième acte, un habit uniforme
d’officier, une cocarde et une épée.
Bartholo. Le caractère et l’habit comme dans Le Barbier de Séville ; il n’est ici
qu’un rôle secondaire.
Bazile. Caractère et vêtement comme dans Le Barbier de Séville ; il n’est aussi
qu’un rôle secondaire.
Brid’oison doit avoir cette bonne et franche assurance des bêtes qui n’ont plus
leur timidité. Son bégaiement n’est qu’une grâce de plus, qui doit être à peine
sentie ; et l’acteur se tromperait lourdement et jouerait à contre-sens, s’il y
cherchait le plaisant de son rôle. Il est tout entier dans l’opposition de la
gravité de son état au ridicule du caractère ; et moins l’acteur le chargera,
plus il montrera de vrai talent.
Son habit est une robe de juge espagnol moins ample que celle de nos procureurs,
presque une soutane ; une grosse perruque, une gonille ou rabat espagnol au cou,
et une longue baguette blanche à la main.
Double-Main. Vêtu comme le juge ; mais la baguette blanche plus courte.
L’Huissier ou Alguazil. Habit, manteau, épée de Crispin, mais portée à son côté
sans ceinture de cuir. Point de bottines, une chaussure noire, une perruque
blanche naissante et longue, à mille boucles, une courte baguette blanche.
Gripe-Soleil. Habit de paysan, les manches pendantes, veste de couleur tranchée,
chapeau blanc.
Une Jeune Bergère. Son vêtement comme celui de Fanchette.
Pédrille. En veste, gilet, ceinture, fouet, et bottes de poste, une résille sur
la tête, chapeau de courrier.
Personnages muets, les uns en habits de juges, d’autres et habits de paysans,
les autres en habits de livrée.
Personnages
Le Comte Almaviva, grand corrégidor d’Andalousie.
La Comtesse, sa femme.
Figaro, valet de chambre du Comte et concierge du château.
Suzanne, première camariste de la Comtesse et fiancée de Figaro.
Marceline, femme de charge.
Antonio, jardinier du château, oncle de Suzanne et père de Fanchette.
Fanchette, fille d’Antonio.
Chérubin, premier page du Comte.
Bartholo, médecin de Séville.
Bazile, maître de clavecin de la Comtesse.
Don Gusman Brid’oison, lieutenant du siège.
Double-Main, greffier, secrétaire de don Gusman.
Un Huissier Audiencier.
Gripe-Soleil, jeune patoureau.
Une Jeune Bergère.
Pédrille, piqueur du Comte.
Personnages muets
Troupe de valets.
Troupe de paysannes.
Troupe de paysans.
La scène est au château d’Aguas-Frescas, à trois lieues de Séville.
Placement des acteurs
Pour faciliter les jeux du théâtre, on a eu l’attention d’écrire au commencement
de chaque scène le nom des personnages dans l’ordre où le spectateur les voit.
S’ils font quelque mouvement grave dans la scène, il est désigné par un nouvel
ordre de noms, écrit en marge à l’instant qu’il arrive. Il est important de
conserver les bonnes positions théâtrales ; le relâchement dans la tradition
donnée par les premiers acteurs en produit bientôt un total dans le jeu des
pièces, qui finit par assimiler les troupes négligentes au plus faibles
comédiens de société.
Acte premier
Le théâtre représente une chambre à demi démeublée ; un grand fauteuil de malade
est au milieu. Figaro, avec une toise, mesure le plancher. Suzanne attache à sa
tête, devant une glace, le petit bouquet de fleurs d’orange, appelé chapeau de
la mariée.
Scène I
Figaro, Suzanne.
Figaro
Dix-neuf pieds sur vingt-six.
Suzanne
Tiens, Figaro, voilà mon petit chapeau : le trouves-tu mieux ainsi ?
Figaro lui prend les mains.
Sans comparaison, ma charmante. Oh ! que ce joli bouquet virginal, élevé sur la
tête d’une belle fille, est doux, le matin des noces, à l’oeil amoureux d’un
époux !…
Suzanne se retire.
Que mesures-tu donc là, mon fils ?
Figaro