Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages.djvu/158

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 avouer ma bêtise, j’ai sauté sans
réflexion sur les couches, où je me suis même un peu foulé le pied droit. (Il
frotte son pied.)
Antonio
Puisque c’est vous, il est juste de vous rendre ce brimborion de papier qui a
coulé de votre veste, en tombant.
Le Comte se jette dessus.
Donne-le-moi. (Il ouvre le papier et le referme.)
Figaro, à part.
Je suis pris.
Le Comte, à Figaro.
La frayeur ne vous aura pas fait oublier ce que contient ce papier, ni comment
il se trouvait dans votre poche ?
Figaro, embarrassé, fouille dans ses poches et en tire des papiers.
Non sûrement… Mais c’est que j’en ai tant. Il faut répondre à tout… (Il
regarde un des papiers.) Ceci ? ah ! c’est une lettre de Marceline, en quatre
pages ; elle est belle !… Ne serait-ce pas la requête de ce pauvre braconnier en
prison ?… Non, la voici… J’avais l’état des meubles du petit château dans
l’autre poche… (Le Comte rouvre le papier qu’il tient.)
La Comtesse, bas à Suzanne.
Ah ! dieux ! Suzon, c’est le brevet d’officier.
Suzanne, bas à Figaro.
Tout est perdu, c’est le brevet.
Le Comte replie le papier.
Eh bien ! l’homme aux expédients, vous ne devinez pas ?
Antonio, s’approchant de Figaro.
Monseigneur dit, si vous ne devinez pas ?
Figaro le repousse.
Fi donc, vilain, qui me parle dans le nez !
Le Comte
Vous ne vous rappelez pas ce que ce peut être ?
Figaro
A, a, a, ah ! povero ! ce sera le brevet de ce malheureux enfant, qu’il m’avait
remis, et que j’ai oublié de lui rendre. Ô o, o, oh ! étourdi que je suis ! que
fera-t-il sans son brevet ? Il faut courir…
Le Comte
Pourquoi vous l’aurait-il remis ?
Figaro, embarrassé.
Il… désirait qu’on y fît quelque chose.
Le Comte regarde son papier.
Il n’y manque rien.
La Comtesse, bas à Suzanne.
Le cachet.
Suzanne, bas à Figaro.
Le cachet manque.
Le Comte, à Figaro.
Vous ne répondez pas ?
Figaro
C’est… qu’en effet, il y manque peu de chose. Il dit que c’est l’usage.
Le Comte
L’usage ! l’usage ! l’usage de quoi ?
Figaro
D’y apposer le sceau de vos armes. Peut-être aussi que cela ne valait pas la
peine.
Le Comte rouvre le papier et le chiffonne de colère.
Allons, il est écrit que je ne saurai rien. (À part.) C’est ce Figaro qui les
mène, et je ne m’en vengerais pas ! (Il veut sortir avec dépit.)
Figaro, l’arrêtant.
Vous sortez sans ordonner mon mariage ?
Scène XXII
Bazile, Bartholo, Marceline, Figaro, Le Comte, Gripe-Soleil, La Comtesse,
Suzanne, Antonio ; valets du Comte, ses vassaux.
Marceline, au Comte.
Ne l’ordonnez pas, Monseigneur ! Avant de lui faire grâce, vous nous devez
justice. Il a des engagements avec moi.
Le Comte, à part.
Voilà ma vengeance arrivée.
Figaro
Des engagements ! De quelle nature ? Expliquez-vous.
Marceline
Oui, je m’expliquerai, malhonnête ! (La Comtesse s’assied sur une bergère.
Suzanne est derrière elle.)
Le Comte
De quoi s’agit-il, Marceline ?
Marceline
D’une obligation de mariage.
Figaro
Un billet, voilà tout, pour de l’argent prêté.
Marceline, au Comte.
Sous condition de m’épouser. Vous êtes un grand seigneur, le premier juge de la
province…
Le Comte
Présentez-vous au tribunal, j’y rendrai justice à tout le monde.
Bazile, montrant Marceline.
En ce cas, Votre Grandeur permet que je fasse aussi valoir mes droits sur
Marceline ?
Le Comte, à part.
Ah, voilà mon fripon du billet.