taté ? Sur quoi informe-t-on quand aucun délit n’a été commis ? Et contre qui peut-on informer si aucun délit n’annonce un coupable ? Constater un délit n’est-il pas un préliminaire nécessaire à toute accusation ? Si personne n’a été assassiné, si nul objet n’a été volé, si nul complot n’a été ourdi, comment recherchera-t-on un meurtrier, un voleur, un conspirateur ? Le lecteur qui s’en étonne sera peut-être encore plus surpris quand il saura que Me Target, dans le plaidoyer qu’il fit pour Beaumarchais devant le parlement, dit à la cour que les juges en prononçant « sur cet homme honoré de la confiance de son roi, employé pour son service, et mémorable exemple de l’injustice juridique et de la justice nationale, avaient craint d’expliquer le délit pour lequel ils le condamnaient.
« Ils l’ont condamné, ajoute-t-il, pour les cas résultant du procès, mots que les cours ajoutent quelquefois sur l’appel d’une sentence qui constate le crime ; mais en première instance, flétrir, dégrader un citoyen, le condamner à plus qu’à la mort, et cela pour les cas résultant du procès, c’est proscrire, et non pas juger ; c’est faire du mal et non pas punir ; c’est parler le langage de la vengeance et non pas de la loi. L’accusé ignore son crime, le public peut les soupçonner tous, il n’est instruit de rien ; et le principal effet de la peine est perdu ; appliquée à l’homme, et non pas au crime, elle n’en réprime et n’en arrête aucun ; la terreur s’empare des cœurs honnêtes, et la crainte n’arrive pas au cœur des méchants.
» La loi annule les condamnations vagues, genre d’oracle mystérieux et terrible, qui peut perdre l’innocence sans intimider les coupables. »
Ces paroles de Me Target démontraient assez à quel point les lois et même les simples notions du juste et de l’injuste avaient été violées à l’égard de son client ; elles produisirent leur effet.
M. Séguier, avocat général, porta la parole après Me Target, et conclut à l’entérinement de la requête civile ; et à ce que les parties fussent mises en tel et semblable état qu’elles étaient le jour du 26 février 1774.
Le Parlement rendit un arrêt qui annula ce jugement, entérina la requête civile, remit les parties au même état où elles étaient avant ledit jugement, et réhabilita Beaumarchais dans tous ses droits ; je dis dans ses droits plutôt que dans son honneur, car l’o-