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le château vert

— Tant que Philippe restait là si près de nous, qu’il venait, sinon en fiancé, du moins en ami, nous rendre visite de temps à autre, je gardais, malgré tout, sans oser me le dire à moi-même, un espoir que, lorsque cette bourrasque de médisances se serait éloignée, on pourrait tout doucement renouer le mariage. À présent, au contraire !… Il est parti !

— Pas pour l’éternité, voyons !

— Non. Mais il n’a pas eu même la politesse de nous faire ses adieux.

— C’est troublant, je l’avoue, il doit avoir une raison.

— Laquelle ? Je n’en vois pas.

— Parbleu ! Tu n’es pas Philippe. À son retour, il nous expliquera les motifs de sa fugue. D’ailleurs, il lui est impossible de rester longtemps éloigné de son magasin, puisque son père est absent.

On n’avait jamais vu Barrière si jovial. Il s’approcha de Mariette à pas câlins, caressa doucement sa nuque, ses épaules, et tout en épiant sa brave femme, dont la tristesse s’apaisait déjà, il dit d’une voix consolante :

— Tout s’arrangera, ma petite, j’en suis sûr. Et bientôt !… Ne vous inquiétez pas.

— Il ne faut pourtant pas comme les Jalade du Château Vert, répondit Mariette, croire béatement que tout s’arrange parce que tel est notre bon plaisir. Depuis quelques jours, tu t’enveloppes de mystère. Pourquoi, papa ? Mets-nous un peu au courant de tes projets. Si tu as des nouvelles encourageantes, tu devrais nous en faire part.

Barrière hésita un moment, le bout des doigts sur ses lèvres, qu’il avait grasses et rouges.

Brusquement il s’écria :

— Non ! Pas encore !

— Pour nous aussi tu as des secrets ? Tu penses bien que nous ne les dévoilerions à personne.

— Pardi ! Je le sais… Seulement, vous m’appelleriez peut-être toqué ou présomptueux. Et vos critiques ébranleraient ma foi, que je veux intacte dans le succès de ma tentative.

— Comme tu voudras, mon ami, murmura Mme Barrière, tandis que Mariette faisait la moue.

Il frappa dans ses mains :

— Assez bavardé !… À table ! À table !…