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le château vert

dont celui-ci le recouvrit avec soin, il tremblait de froid.

Le bateau avait rebroussé chemin, l’Hérault était loin encore. Il fallut plus de trois quarts d’heure, par une mer plus tumultueuse, pour aboutir au débarcadère. Thérèse, se dérobant à toute consolation, se précipita sur la passerelle et, éperdue de douleur, elle courut au Château.

On avait couché Philippe dans la plus belle chambre, au premier étage, sur le quai, à l’extrémité d’un couloir qui la séparait de l’appartement des Jalade. Thérèse tout de suite voulut voir Philippe.

— Non ! non ! se récria sa mère. Ça ne serait pas convenable.

— Pourquoi ? Philippe aura plaisir à me voir.

— Je ne dis pas non. Mais il lui faut du repos, pas d’émotion.

— Enfin, bon !… Il est ici. Je le verrai bientôt… Et dis-moi, est-ce que vous avez prévenu ses parents ?

— Non. Té ! Dans tout ce désordre… Et un médecin… Il faut téléphoner.

— Je m’en vais à Agde.

— Pas toi. Ce n’est pas ton rôle. D’abord, tu ne saurais pas prendre les ménagements nécessaires.

— Par exemple !… Au contraire. Dis-moi seulement s’il va bien.

— Oui, assez bien. Il dort.

— Ah ! tant mieux !… Dis, maman, je crois que ce ne sera rien ?

— Non, va.

— Je vais à Agde… Si ! Si !…

Mme Jalade, pour ne pas inquiéter sa pauvre enfant, dissimulait la vérité. Car Philippe dans son lit demeurait inerte, blanc comme un linge, toujours frissonnant de froid, malgré les fers chauds que l’on posait à ses pieds, malgré les couvertures et l’édredon qu’on entassait sur les draps. Quel accident effroyable ! On était si content tout à l’heure ! Et maintenant, n’accuserait-on pas les Jalade d’avoir manqué de prévoyance ?

Tandis qu’Irène dans le petit salon séparant sa chambre de la chambre de Thérèse sanglotait entre les bras de son mari, Thérèse partait pour Agde. Accablée sur le siège de la voiture, elle trépignait d’impatience, quelquefois gémissait : « Pourvu qu’on ne m’accuse pas, moi ! »