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le château vert

— Tant pis ! J’ai assez souffert, moi.

— Et de quoi, à votre âge ?

Thérèse ne répondit pas. On arrivait à la masure de planches goudronnées, où, sur une table ronde, brillait la lampe à pétrole. La vieille Julia, entendant son homme qui soufflait de l’effort de la grimpade, se présenta sur le seuil. Plus grande que lui, brune éclatante autrefois, un certain charme persistait encore sur son visage plissé de rides, mais éclairé par le chaud rayon de ses yeux noirs et par la belle santé de ses lèvres fortes, fièrement dessinées.

— Il me semble, Micquemic, que tu amènes quelqu’un ? s’écria-t-elle.

— Oui. Et tu seras étonnée.

— Où as-tu pêché cette enfant ?

Thérèse s’avança, un peu languissante, dans la faible lumière.

Té ! C’est mademoiselle Thérèse du Château Vert !

— Oui, madame, répondit Thérèse. Je m’étais assoupie dans le creux d’un rocher, quand votre mari m’a surprise. J’avais froid, je l’ai suivi.

— Vous avez bien fait. Té ! Asseyez-vous là, près du feu. Et comment avez-vous arrangé ça de vous trouver dans ce creux de rocher ?

— Je vous le dirai, après un instant de repos.


CHAPITRE III

Julia, qui était curieuse, comme toutes les commères désœuvrées, revint bientôt à la rescousse :

— Et vos parents, mademoiselle ?

— Ils ne savent pas où je suis.

— Par exemple !… Enfin n’importe, vous devez avoir faim ?

— J’avoue que oui.

— On va préparer le poisson… Ah ! nous n’avons pas grand’chose, pécaîré !

— Il y en a toujours assez quand c’est offert de bon cœur.

— Pour ça, le cœur y est.

Micquemic avait coupé des sarments sur le dossier de la chaise. Dans la cheminée profonde s’éleva une flambée