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le château vert

jusqu’aux Onglons, par delà le Cap. Lorsque Thérèse l’eut atteint, il retira ses mains de sous son manteau, en souriant :

— Diantre, mademoiselle, seule ici, à pareille heure !

— Oui. J’ai fait la mauvaise tête, et, vous le voyez, je reviens de chez Micquemic.

— Micquemic ! Méfiez-vous !

— Pourquoi ?

— Rien, rien. Je n’ai rien dit. Tout le grau est informé de votre escapade. Vos parents se désolent… Et tout le grau vous donne tort.

— Parce qu’on ignore mes raisons.

— On ne les ignore pas du tout. Vous vous trompez. Personne ne vous reproche la moindre faute.

— Que si ! Je m’en suis bien rendu compte. En tout cas, je suis inquiète pour mon père et ma mère.

— Il est bien temps. Allons, dépêchez-vous de filer !

Thérèse reprit son chemin sur la marge de sable où le flot mourait languissamment. Au bout d’un quart d’heure, elle arriva au quai de l’Hérault, le long des auberges séculaires, luisantes de goudron. Le Château Vert s’enveloppait d’un morne silence. Jamais on ne fermait à clef la grande porte du vestibule. Thérèse entra, furtive, monta l’escalier à pas comptés, et glissant sur la pointe des pieds dans le long couloir du premier étage, elle ouvrit chez ses parents, la porte de leur chambre, avec une précaution infinie.

À la lueur d’une veilleuse, Mme Jalade sommeillait dans un fauteuil, tandis que Jalade, couché dans son lit, n’était qu’assoupi. D’une main timide, Thérèse frappa sur l’épaule de sa mère. Celle-ci, écarquillant soudain les yeux, se redressa :

— Qui est là !… , c’est toi !… Enfin !…

— Oui, maman. Ne me gronde pas.

— Que tu nous as fait souffrir !… Ah ! Toquée !… Imbécile ! D’où viens-tu ?

— Je n’étais pas loin.

— Quel préjudice tu te fais à toi-même ! Nous t’avons cherchée partout.

La voix de Mme Jalade grondait sourdement. Jalade s’agita sous ses couvertures, et d’un sursaut il se mit sur son séant.

— Qu’est-ce qu’il y a ?