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le château vert

assez bizarres. Pourtant, lorsque survint un silence, elle osa, sachant qu’elle ferait plaisir à sa Mariette, demander des nouvelles du malade :

— Comment va-t-il, ce gentil M. Philippe qu’on voyait souvent l’après-midi sur la haute allée de son parc ?

— Il va beaucoup mieux, répondit Thérèse sans trouble, il se lève depuis quelques jours.

Thérèse, tandis qu’elle s’adressait à Mme Barrière, ne remarqua point que Mariette rougissait. Mariette, qui avait une volonté forte, réprima l’émoi de son amour, et la flamme passa sur son visage comme le vent sur une fleur. Car elle aimait Philippe, plus fervente chaque jour. Seulement, trop modeste, elle ne croyait pas les Barrière élevés au même niveau social que les Ravin, et elle se gardait sagement de l’illusion que Philippe l’aimait aussi. Cependant, elle savait, comme la plupart des femmes, jouer de ruse, et, bien qu’elle s’interdît un trop grand rêve de félicité, elle s’efforçait prudemment de pénétrer les véritables sentiments de Thérèse à l’égard de Philippe. De telle sorte qu’elles se trompaient l’une l’autre. Combien de temps ce jeu de cache-cache durerait-il ?

— Je parie, dit-elle, que M. Philippe se plaît au Grau plus qu’à Agde. Et puis, vous êtes si étroitement liés, les Jalade avec les Ravin !

Un sourire entr’ouvrit les grosses lèvres de Thérèse, gonfla un peu son long nez charnu.

— Philippe, répondit-elle, est ici chez lui, comme dans sa maison je suis chez moi.

— Alors, nous ne le verrons pas de longtemps à Agde ?

— Si ! Pourquoi pas !… Mais je crois qu’il est débarrassé pour toujours du désir de voyager sur l’onde. D’ailleurs, il n’a pas vos goûts de l’aventure en des pays lointains. Il aime trop sa vieille ville, sa maison, son parc.

— Il n’a pas tort… Ah ! mademoiselle, je ne veux pas vous retenir davantage. Nous allons, ma mère et moi, nous promener sur la plage.

— Il fait si beau !

— Me permettrez-vous, mademoiselle, une requête qui est peut-être une indiscrétion ?

— Une indiscrétion ! se récria Thérèse.

— Oui, peut-être. Daignerez-vous présenter à M. Philippe nos vœux de complète guérison ?