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le château vert

— Oh ! tu exagères. Il faut dans notre commerce montrer qu’on a de l’argent. L’eau va au moulin.

— J’ai parlé selon mon devoir d’ami. Mais que je te refuse l’assistance que tu sollicites de moi, non, mille fois non : je ne veux pas que tu te l’imagines un instant. Tu auras tes 20 000 francs.

— Merci, mille fois merci. J’espère que l’an prochain je commencerai, après la belle saison, de rembourser.

— Je le souhaite pour ta tranquillité, pour l’avenir de ton enfant…

Ravin fixa le jour où ils iraient chez son notaire enregistrer ce nouvel emprunt. Ensuite, il s’excusa de ne pas le retenir davantage, pressé qu’il était par l’heure du courrier. Benoît s’en fut dans la pièce voisine, qui était le bureau de Philippe, embrasser celui-ci. Et très impatient de porter à Irène la bonne nouvelle, il repartit pour le Grau.

Au Grau, l’hôtel retentissait d’une cohue de gens rieurs et bavards, les gens d’une noce pour lesquels on dressait dans la salle à manger, sous les ordres de la patronne, une table étincelante de fleurs et de cristaux. Là-haut, dans sa chambre, Thérèse se parait d’une toilette neuve.

Quelle joie pour Irène, au milieu de son grand travail de commandement, d’apprendre le succès de son mari !

— Qu’est-ce que je te disais ! s’écria-t-elle, en lui pressant les joues avec amour… Té ! s’il nous vient encore une autre noce, nous n’avons plus de place. Allons, tout marche à souhait. Seulement ne t’occupe des agrandissements du château que lorsque je serai revenue de Nice.

— Entendu, ma chérie.

Ils n’osèrent de quelques jours annoncer aux Ravin le fameux voyage sur la Côte d’Azur. La veille du départ, il fallut cependant aller leur dire au revoir, à 6 heures, après que Philippe et son père étaient rentrés chez eux.

À l’annonce d’une telle extravagance, les Ravin furent abasourdis. Irène, en un ramage abondant qui dissimulait mal son frémissement de bonheur, expliqua longuement qu’elle entendait accomplir un voyage d’études.

— Oh ! nous ne resterons là-bas qu’une semaine. C’est que tout coûte !

Thérèse ne cessait pas d’épier Philippe, parfois d’une caresse elle lui touchait les mains. Elle lui dit à voix basse, un moment que sa mère parlait plus fort :