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le château vert

— Sans doute, sans doute, bredouilla Benoît, qui défaillait déjà. Tout de même, à ces coups répétés du sort qu’opposerons-nous ?

— Très simple… En somme, qu’y a-t-il là d’irréparable ? Il vaut mieux une dette de jeu qu’une jambe de cassée.

— Il vaudrait mieux ni l’un ni l’autre de ces embêtements. Ce n’est pas une telle méthode qui nous permettra de réaliser ce que tu désires, la construction d’un palace à la mode.

— Qui t’a dit ça ?… Il reste encore de la place pour une hypothèque sur tes vignes… Si ! Si ! Tu es trop pessimiste. En tout cas, il faut rembourser cette dette sans retard.

Irène, ayant séché ses yeux pour la dernière fois, poursuivit sur un ton de commandement :

— Ravin consentira un dernier effort.

— Oh ! ne compte plus sur lui.

— Et son voisin, Barrière, qui est si riche, dit-on ?

À l’évocation de l’heureux horticulteur, dont le bruit public prétendait qu’il allait marier sa fille au fils des Ravin, Benoit eut un haut-le-corps.

— Quoi !… Tu es peiné que je te parle de Barrière ?

— C’est que… je ne le connais pas.

— Tant mieux. Voilà une occasion de faire sa connaissance. Il n’osera pas refuser ce service à l’ami des Ravin, et, puisqu’il n’est pas sot, il n’hésitera pas à bien placer son argent.

— Peut-être. Nous verrons ça demain. La nuit porte conseil.

Irène, soulagée de son lourd fardeau, eût accepté n’importe quelle solution provisoire. Elle remit dans son petit sac le mouchoir dont elle n’avait plus besoin ; ensuite, esquissant un geste de compassion charitable, elle dit :

— Ne sois pas si triste. Tout s’arrange, va.

— Oui, c’est ton mot.

— Est-ce que ce n’est pas vrai ?

Il fit oui d’un signe de tête et leva sur elle ses yeux doux.

— Allons, mon ami, je suis fatiguée. Je ne te montrerai pas ce soir les cadeaux que nous apportons de cet admirable pays. Il faudrait ouvrir les malles. Et puis, Thérèse n’est pas là.

— Bien ! quand tu voudras.

— Accompagne-moi jusqu’à notre chambre.