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le château vert

Elle l’entraîna d’une main cajoleuse. Et pas un instant elle n’eut l’idée de lui demander si pendant son absence leur commerce avait bien marché.


CHAPITRE VIII

Le lendemain matin, dans le petit bureau de l’hôtel, Irène entretenait son mari de vains bavardages, afin d’attendre plus patiemment Thérèse. Mais Thérèse ne se décidait pas à descendre de sa chambre.

— Ma foi, dit-elle, n’attendons pas davantage. Je vais te montrer nos cadeaux. Il y en a pour tout le monde. Et c’est à toi que j’ai pensé le premier.

Irène ouvrit d’une façon précieuse un petit coffret en carton doré, et, s’emparant d’une cravate de soie, elle la fit danser au bout de ses doigts, en riant.

— Hé ! Que dis-tu de ça ?

Benoît, sans grand élan, eut néanmoins un sourire de gratitude. Quel dommage que sa femme, une si bonne amie, manquât trop fréquemment de modération et de clairvoyance !

— C’est trop beau pour moi, murmura-t-il.

— Veux-tu te taire !… À présent voici pour les Ravin.

Elle étala, au creux de sa large main, délicatement, des épingles de cravate en or, l’une pour Philippe, l’autre pour son père.

— Je ne me suis pas moquée d’eux, hein ! Évidemment, Ça me coûte, mais je ne dépense qu’à bon escient, n’est-ce pas ?… Et pour Eugénie, ces boucles d’oreilles.

— Oh ! oh ! très chic !…

— Seront-ils contents ?

— Certes.

— On dirait que tu n’en es pas très sûr ?

Après un silence, Benoit, dont le front roux se plissait de rides, maugréa :

— C’est que je pense à la dette de dix mille francs.

— Bah ! les Brouilla sont très riches : ils peuvent attendre quelques jours… D’abord, nous en parlerons tout à l’heure. Chaque chose en son temps… Quoi ? Qu’as-tu à m’objecter ?… Voyons, est-ce qu’un homme se laisse si facilement abattre !