— Tu en as de bonnes. Il n’y a que moi qui travaille. Et l’on dépense beaucoup trop.
— Qui : on ?… Tu n’as pas la franchise de me nommer ; seulement, c’est moi que tu rends responsable de nos difficultés. Eh bien, non ! Si tu m’écoutais, tout irait mieux.
— Je ne fais que ça : t’écouter… Bref, pour cette dette, comment nous arrangerons-nous ?
— L’ami François…
— François Ravin, non ! je te l’ai déjà dit, ne compte plus sur lui.
— Pourquoi ?…
— Parce que !… s’exclama Benoît, qui ne cessait de penser au mariage de Philippe avec la fille de l’horticulteur.
— Parce que, ce n’est pas une raison. Alors, ni Ravin, ni Barrière… Qui donc pouvons-nous solliciter ?
— Hé ! je n’en sais rien. C’est à toi de dénicher le merle blanc.
— À moi !…
Irène se mordit les lèvres, comprenant que cette fois son mari ne se laisserait peut-être pas conduire. Elle s’apaisa aussi vite qu’un enfant, se rapprocha de Benoit :
— À présent, nous sommes trop énervés pour chercher la personne charitable à qui emprunter. Té ! Il y a une chose très urgente, c’est de téléphoner aux Ravin.
— Téléphoner ! Pourquoi ?
— Je suis encore trop fatiguée pour aller leur dire bonjour cette après-midi. Demande donc à Eugénie si elle sera demain à sa maison.
— Bien !
Benoit empoigna le récepteur. Cinq minutes après, il obtint la communication. Et la conversation s’engagea :
— Allo !… C’est vous, Eugénie ?… Oui, elles vont très bien… Allô ! Allô !… Bon ! Comme vous voudrez !… Nous ne bougerons pas du château !… Le bonjour à tous !… À demain !
Benoît, lentement, raccrocha le récepteur. Ses mains tremblaient ; son visage, placide à l’ordinaire, se contractait d’une telle angoisse que sa femme l’interrogea :
— Qu’as-tu ?
— Rien. Tu as compris les intentions d’Eugénie ? qu’elle viendra ici demain avec Philippe.