Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/263

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j’admets que d’une part le gouvernement de l’Union serait prêt à faire, pour l’affranchissement des nègres du Sud, l’immense sacrifice que j’ai indiqué, sans que les États du Nord, peu intéressés, quant à présent, dans la question, s’y opposassent ; j’admets encore qu’il existe un moyen pratique de transporter la population affranchie hors du territoire américain ; ces obstacles levés, il resterait encore à vaincre le plus grave de tous ; je veux parler de la volonté des États du Sud, au sein desquels sont les esclaves.

CINQUIEME OBJECTION. — D’après la constitution américaine, l’abolition de l’esclavage dans les États du Sud ne pourrait se faire que par un acte émané de la souveraineté de ces États, ou du moins faudrait-il, si l’affranchissement des noirs était tenté par le gouvernement fédéral, que les États particuliers intéressés y consentissent.[1]

Or, j’ignore ce que pourront penser un jour et faire les États du Sud ; mais il me parait indubitable que, dans l’état actuel des esprits et des intérêts, tous seraient opposés à l’affranchissement des nègres ; même avec la condition de l’indemnité préalable.

Il est certain d’abord que la transition subite de l’état de servitude des noirs à celui de liberté serait pour les possesseurs d’esclaves un moment de crise dangereuse.

Vainement on objecte que les nègres recevant la liberté n’ont plus de griefs contre la société, ni contre leurs maîtres, je réponds qu’ils ont des souvenirs de tyrannie, et que le sort commun des opprimés est de se soumettre pendant qu’ils sont faibles, et de se venger quand ils deviennent forts ; or, l’esclave n’est fort que le jour où il devient libre.

Il n’est pas vraisemblable que les Américains habitants des États à esclaves se soumettent de leur plein gré aux chances périlleuses qu’entraînerait l’affranchissement des nègres, dans

  1. V. Constitution des États-Unis. Les pouvoirs du congrès sont limités aux cas énoncés dans la constitution. Parmi ces cas énumérés dans la section 8, ne se trouve point le droit d’abolir l’esclavage, dans les États où il est établi ; plusieurs articles de la constitution reconnaissent même formellement la servitude, entre autres le § 3 de la section 2, art. 4. Enfin, l’art. 10 du supplément à la constitution dit que tous les pouvoirs qui ne sont pas expressément attribués au gouvernement général des États-Unis sont réservés aux états particuliers.