À personne, jamais. Donne ton seul baiser
Au Désespoir…
Et de cet Évangile de mort il se fait le Christ forcené :
Et je voudrais aussi ma couronne d’épines
Et pour chaque pensée, une, rouge, à travers
Le front, jusqu’au cerveau, jusqu’aux frêles racines
Où se tordent les maux et les rêves forgés
En moi, par moi.
Les hallucinations se multiplient, fébriles, insensées,
colorées de reflets effrayants, miroitants, de lueurs fantasques.
Les Nombres y mènent leur danse folle ; les
dieux y passent avec leurs yeux de loups, ou bien
l’Amour et son cortège de lions enchaînés, ou bien,
blanches et mélancoliques, les funérailles de la lune…
Ce catafalque d’or qui surgit au fond des soirs, n’y va-t-on pas coucher enfin,
pour le définitif repos, le cadavre
de ta raison ?… L’âme souffrante se réfugie dans la
démence comme dans la suprême paix, afin de ne se
plus sentir incessamment escaladée
par les talons de fer de chaque idée…
Verhaeren arrive, dans ces poèmes, à une extraordinaire intensité d’expression. En même temps, nous y voyons sa métrique se transformer pour aboutir au vers libre. Les vers des Flamandes et des Moines sont parfaitement réguliers, disposés en strophes régulières de quatre alexandrins. À peine y trouve-t-on parfois des muettes au sixième ou au septième pied, des mots partagés