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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

pionnage autour d’elle ? pensa Pompeo ; j’entre bien souvent dans cette chambre, un autre que moi en saurait-il les secrets ? Secrets charmants, embaumés, asile chaste et doux dans lequel je ne pénètre moi-même qu’en me découvrant comme au seuil d’un temple, nid de colombe que je croyais jusqu’ici à l’abri de tout vautour. N’importe, quel que soit le sort qui m’attend ici, oui, je dois entrer résolûment. Mariette, rassure-toi ; je n’étais hier que ton ami, maintenant un lien indissoluble nous unit.

Une vive lumière s’échappait alors de la porte entr’ouverte de Mariette ; à travers la cloison qui séparait la chambre, de l’escalier, on entendait le souffle égal et pur de son sommeil ; le silence du dehors était profond.

À peine entré, le guide de Pompeo se tint sur le seuil, en lui indiquant du doigt la jeune fille endormie… Pompeo s’agenouilla rapidement devant le lit, des larmes abondantes mouillaient ses joues. L’instinct paternel écartait en lui le soupçon ; il examina Mariette dans une extase recueillie.

La belle enfant dormait, un de ses bras blancs passés sous son cou ; elle avait dénoué ses cheveux retombant en boucles épaisses sur ses épaules, de façon à s’en faire une sorte d’oreiller sur lequel sa figure se détachait aussi pâle qu’un marbre. L’ombre de ses cils, renvoyée sur son visage par une lampe suspendue près du chevet, était d’un contour et d’une ligne séraphiques. La lumière inondait tour à tour son front légèrement bombé, et sa poitrine délicate et le jais luisant de ses cheveux ; un sourire ineffable de langueur errait sur ses lèvres. Sa tête penchait alors comme celle d’un lis chargé de pluie, son haleine douce avait l’arome des fleurs. Un petit sachet était retenu par un fil léger à son cou, l’Italien frissonna en le voyant.

— T’avais-je menti ? demanda le masque.

— Non, répondit Pompeo, car ce cachet fut ouvragé par ma sœur elle-même au couvent des dames de la Celestia à Venise. Ce sachet, je l’avais donné à une personne…