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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

riette ? Par la Vierge ! vous ressemblez à quelque beau page de la reine Anne ! Quel honneur en résultera pour moi aux yeux de maître Orio, qui me loge par charité ?

Maître Orio était Milanais, en effet, et à ce titre il avait ouvert son gîte à son humble compatriote. La chambre où Pompeo fit entrer la jeune fille était loin de briller par l’arrangement ou le luxe : une table de chêne et un lit la décoraient. À la muraille nue pendait la guitare de Pompeo à côté de sa rapière.

Mariette promena sur cette cellule un regard d’attendrissement. Le costume de Pompeo était misérable, lorsque son manteau ne le drapait point surtout ; sa fraise seule était recousue en vingt endroits. Il s’en aperçut le premier, et il lui dit :

— Pardonnez-moi, Mariette, ce n’est pas ici le palais du comte de San-Pietro, ce nabab inconnu qui nous arrive de la Chine ou de Florence. L’avez-vous vu seulement, ce noble comte ? Est-il digne des murs où je me suis épuisé à lui complaire ?

— Oui, je viens de le voir, répondit-elle, d’une voix tremblante, je viens de le voir, il m’a parlé. Ce billet par lequel on m’annonçait sa venue n’était donc pas de vous, mon ami ?

Et Mariette tendit à l’Italien une lettre soigneusement pliée qu’elle tira de sa poitrine.

— Malheur ! malheur sur moi ! ou plutôt sur lui ! s’écria Pompeo, en considérant cette écriture avec des yeux qui brillaient du feu de la rage.

— De qui voulez-vous parler ?

— De l’homme qui vous a fait parvenir cet avis, reprit Pompeo avec un rayonnement de joie ; cet homme est mon ennemi, cet homme, voilà seize ans que je le cherche ! Ah ! il est ici, et il vous prévient que le comte arrive ! Et ce comte étrange, ajouta Pompeo avec un rire sardonique, ce comte de San-Pietro est le fils de maître Philippe le cabaretier ! Par la Madone ! ceci devient curieux !