Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

que par des caresses affectueuses ; elle posa sur son épaule son front d’ivoire. En ce moment-là, elle avait presque oublié Charles. Elle ne songeait qu’à cet ami rencontré par elle sur sa route, noble cœur si durement éprouvé.

— Pourquoi m’aime-t-il ainsi, se demandait-elle, moi que cependant il connaît à peine ? tandis que Charles…

Ce retour involontaire sur son amour plongea la jeune fille dans une rêverie inexprimable. Quelques secondes lui suffirent pour repasser en elle-même toute sa vie depuis le départ de Charles. Elle accusa son rêve comme elle l’avait déjà fait, ce rêve l’avait bercée d’illusions, de mensonges. En cherchant à son cou, par un mouvement naturel, le sachet qu’elle y portait, et en ne l’y trouvant plus, elle se mit à sangloter.

Tout d’un coup, en élevant les yeux à la cheminée de Pompeo, elle vit le sachet suspendu encore à son fil noir.

— C’était lui ! s’écria-t-elle, c’était lui !… Je vais savoir…

— Et elle se dressa sur son séant. Mais l’Italien avait déjà gagné la porte de la rue, après avoir effleuré le front de la rêveuse enfant d’un triste et furtif baiser.


XXVII

L’EXPLICATION.


Onze heures du soir sonnaient à l’église des Célestins, quand Pompeo se présenta à l’hôtel de l’île ; Cesara, le page, lui demanda en langue italienne ce qu’il voulait.

— Parler sur-le-champ même à votre maître, répondit Pompeo, il y va pour lui d’une conversation brève mais importante.

— La comtesse de San-Pietro est avec lui, objecta le page, permettez, Excellence, que je prenne d’abord les ordres de mon maître. Vous êtes d’Italie, cela est vrai, mais vous venez un peu tard.

— Trêve de réflexions, reprit Pompeo. Aurais-tu donc la