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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

langue aussi longue que ma rapière ? Allons, dépêche, je n’aime pas à attendre.

Cesara approcha son falot du cavalier, et ne parut pas fort rassuré par sa mise. Pompeo avait jeté à la hâte son manteau sur ses épaules, une collerette délabrée serrait son cou, ses bottines tachées de boue le faisaient ressembler à courrier. Cesara pensa fort judicieusement que c’en pouvait être un, et il n’hésita pas à l’introduire sous le vestibule.

— Qui annoncerai-je à mon noble maître ? lui demanda-t-il.

— L’architecte de son hôtel, répondit Pompeo. J’ai un compte pressé à régler avec le comte, car dès demain je m’éloigne…

Cesara s’en fut, et revint bientôt d’un air insolent déclarer à Pompeo qu’il eût à écrire à son maître, mais que pour le réveiller, cela était impossible. En disant ainsi, il montra à Pompeo le chemin d’un escalier secret qui abrégeait, disait-il, pour lui le trajet de la cour. L’Italien connaissait mieux que tout autre cette issue encore neuve.

— Il ne sera pas dit, murmura-t-il, que j’étrennerai cette porte de sortie. Mariette m’attend, je lui ai promis d’agir. Que Dieu et les saints m’exaucent, mais il n’y a que ce moyen.

Déchirant alors une feuille de son carnet, sur laquelle il écrivit trois mots à la hâte :

— Portez ceci dit-il, au comte de San-Pietro, j’attendrai.

Il s’assit tranquillement sur un banc, Cesara n’ayant osé lui résister, tant son aspect glaçait le sang au cœur du page. Pompeo, en effet, venait d’ôter son feutre : les larges touffes grises de ses cheveux encadraient sa figure comme la crinière d’un lion ; sa redoutable épée venait de rendre un coup sec, et l’acier de ses éperons luisait dans l’ombre.