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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Un d’heure s’était à peine écoulé quand Cesara reparut.

— Le comte mon maître, dit-il, consent à vous recevoir dans sa galerie, c’est la salle des portraits, veuillez m’y suivre.

Pompeo suivit Cesara.

Cette pièce oblongue était celle où Mariette avait, nos lecteurs le savent, surpris Pompeo les yeux attachés sur un portrait de femme, celui de Teresina Pitti.

Pompeo n’en souleva la gaze qu’en tremblant ; l’image bien-aimée était à sa place. Un rayon de lune glissa sur les lèvres de Teresina ; il éclaira le portrait d’une teinte mélancolique. Cesara venait d’allumer deux candélabres et il s’était retiré. Quand Charles parut, l’Italien regardait tristement couler la Seine à travers les larges fenêtres ; il se débattait contre un chaos de pensées. Le bruit des pas du comte le fit retourner. Il le salua en ayant soin de se placer près de l’une des bougies. Charles Gruyn réprima un cri et s’appuya contre le chambranle de la cheminée.

— Me reconnaissez-vous, monsieur le comte ? lui demanda Pompeo.

— Non, dit Charles troublé, haletant. Qui êtes-vous donc ?

— Excellence, reprit Pompeo, mon billet vous a dit ma qualité. J’ai signé ce billet : l’Homme du pont Marie… Voyez.

Et comme Charles Gruyn se renfermait dans un froid silence :

— Après tout, il n’est pas étonnant que vous ne me reconnaissiez pas, lui dit Pompeo. Et cependant, qu’y a-t-il en moi de si changé, monsieur le comte ? Depuis un an et plus je traîne dans Paris le même nom et le même habit. Vous avez été plus heureux que moi, vous qui avez changé d’habit et de nom.

— Prétendriez-vous m’insulter répondit Charles.

— Pas le moins du monde ; je voulais dire seulement que tout vous à profité. Quand les chausses sont vieilles, il