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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

répondit le médecin en jouant sur le mot. Il l’est assez pour enchaîner à l’instant même les sens du plus rebell… Voyez !

Et le docteur tira de sa rhingrave une petite fiole, il en versa une goutte sur la langue du chat qui jouait alors entre ses jambes.

— Que faites-vous ? demanda le cardinal irrité ; aviez-vous besoin... Enfin, ce qui est fait est fait.

Un assoupissement invincible s’empara de l’animal, qui roula sur le tapis.

— Voilà qui est merveilleux, dit le cardinal à son médecin maintenant, faites-moi venir ce Pompeo.

— Cet homme agira, monseigneur, mais il ne nous donnera aucun renseignement sur la duchesse. je vous en préviens.

— Mais il agira ? reprit Richelieu, tu me l’assures.

Le cardinal dit alors au docteur quelques paroles à voix basse.

— J’obéirai, monseigneur, répondit le médecin… Seulement, ce que vous me dites de ce coffre est singulier.

— Je sais ce que je sais, poursuivit le cardinal. La duchesse ne voyage jamais sans ce coffre.

— Il sera fait ainsi que vous le voulez, monseigneur.

Richelieu sourit de ce sourire qui plissa sans doute le coin de sa lèvre lorsque, quatre ans plus tard, il signait l’arrêt de mort du jeune Cinq-Mars.

Le docteur ouvrit la porte, il appela Pompeo.

Celui-ci dormait sur un banc de l’antichambre.

Sous ces lambris éclatants, ainsi enveloppé dans sa large cape éraillée, il ressemblait à Lazare à la porte du mauvais riche.

Il entra chez le cardinal avec fermeté. Soumis une fois déjà à sa justice, il s’attendait peut-être à en éprouver la rigueur une seconde fois.

— Seigneur Pompeo, dit le cardinal, vous avez bien fait de vous échapper des prisons d’Italie.