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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

venais vous surprendre… Mais quel est donc ce déguisement ? Parlez ; sommes-nous en carnaval ?

Lauzun se troubla, il hasarda une excuse.

— Quelle est donc cette jeune fille ? demanda Mademoiselle ; elle est fort jolie ; en voudriez-vous faire une simple fille de chambre ?

— Mademoiselle, reprit Barailles, venant au secours de Lauzun qui se trouvait encore plus interdit sous son costume, ne saurait avoir l’honneur d’être connue de madame la princesse ; c’est mademoiselle Leclerc, la fille d’un partisan de la place Royale.

— Mademoiselle Leclerc ! C’est là mademoiselle Leclerc ? demanda la princesse avec surprise.

Puis se remettant et voyant le trouble du comte :

— Avouez, monsieur de Lauzun, que c’est là un hasard merveilleux, répliqua-t-elle avec une satisfaction ironique ; j’attendais mademoiselle… Cette lettre de son père m’avait prévenue de son arrivée.

— Quoi cette protectrice ?

— C’était moi, monsieur de Lauzun, moi-même ; vous conviendrez que j’arrive à temps. Par exemple, je ne m’attendais pas que vous m’amèneriez vous-même mademoiselle Leclerc, et en habit d’oncle, encore. Oh ! vous êtes au grand complet.

L’amère ironie avec laquelle ces paroles furent prononces accroissait encore le trouble du comte ; quant à Paquette, elle se croyait le jouet d’un rêve.

Muette, immobile, elle regardait tour à tour Mademoiselle et Lauzun ; le tonnerre tombé à ses pieds ne l’eût pas plus surprise que cette scène. Elle se demandait lequel de ces deux protecteurs improvisés la raillait le plus : ou Mademoiselle avec son ton sardonique et fier, ou Lauzun avec sa comédie jouée au parloir. Quand elle vit la princesse lui tendre la main avec bienveillance, elle reprit courage, et elle essaya un remerciement.