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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— À dater de ce jour, vous êtes de ma maison, mademoiselle, lui dit la princesse.

Comme un écolier pris en fraude, Lauzun n’osait articuler une seule parole.

Mademoiselle relevait de maladie ; elle était pâle, et depuis neuf ans que le comte son mari ne l’avait vue, il la trouva bien cruellement changée. Vainement Barailles avait-il cherché à donner le change à la princesse, elle savait tout.

— J’aime à voir, monsieur le comte, dit-elle tout bas à Lauzun, combien l’exil et la prison vous ont amendé.

Lauzun s’éclipsa et regagna ses petits appartements. Au moment où le carrosse de Mademoiselle allait entraîner Paquette, la jeune fille détourna la tête ; elle vit Lauzun sous un de ses habits les plus galants. La transformation était complète.

Lauzun s’était placé à l’une des fenêtres de l’hôtel, il la contemplait silencieusement.

Elle jeta sur lui un regard de trouble et d’effroi. En le revoyant ainsi, peut-être songeait-elle aux jours mêlés d’ombre et de soleil qu’elle avait passés à Pignerol. De son côté, le comte ne se lassait pas d’admirer cette jeune et belle tête. Quand le pavé s’ébranla sous le pas des chevaux de la princesse, la jolie fille regardait encore malgré elle le vaste hôtel de l’Île Notre-Dame, éclairé çà et là de jets profonds de lumière qui brisaient dans l’eau leurs clartés tristes. Une fois arrivée dans le grand palais du Luxembourg, elle s’y vit installée près de la princesse, mais avec de telles précautions que l’on eût dit plutôt d’une colombe renfermée en cage par l’oiseleur, que d’une jeune fille dont Mademoiselle se déclarait, à dater de ce jour, la protectrice.


XIV

SOUS CLEF.


Le lendemain, au petit lever de la princesse, Paquette se vit appelée par elle, sur les dix heures du matin ; elle la