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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

noms. Devenue, sans le prévoir, l’objet d’une recherche qui devait lui sembler inexplicable, étonné d’un dénouement non moins imprévu, elle s’interrogeait elle-même avec trouble devant ce cadre.

La voix aigre de la princesse la fit retourner.

— C’est vous, mademoiselle, fort bien. Votre père m’a servie, c’est un titre à mes bienfaits. En vous ouvrant ma maison, en vous assurant ma protection, je dois seulement vous dire à quel prix je veux bien me charger de vous. Vous êtes jeune, jolie, je dois donc veiller sur vous jusqu’à ce que M. Leclerc soit de retour. Mais il faut que vous sachiez la règle sévère de ma maison ; une fois entrée au Luxembourg, vous n’en devez plus sortir. Aucune lettre, aucune visite, vous êtes ici dans une maison où les surveillants abondent. L’intérêt que vous portait M. de Lauzun eût pu singulièrement vous compromettre ; bénissez le ciel qui vous a remise entre mes mains. Allez, et souvenez-vous de mes paroles.

La sécheresse avec laquelle ce discours fut prononcé fit un tel trouble dans l’âme de la belle enfant, qu’elle se vit prête à n’y répondre que par ses larmes : toutefois elle se contint. Éperdue, tremblante, elle demeurait à la même place, se demandant si c’était bien à elle que Mademoiselle voulait faire sentir le poids de ses bienfaits ; ce qu’elle venait d’entendre brisait son cœur et ses forces.

Mademoiselle scellait alors une épître assez longue du sceau de ses armes ; à peine y avait-elle apposé son cachet, qu’un valet de pied annonça M. de Lauzun.

À cette visite inattendue, la princesse parut elle-même troublée ; elle se leva, et fit signe à Paquette de la laisser seule.

Paquette eût bien voulu entrevoir le comte, ne fût-ce qu’en sortant ; elle s’en dédommagea en jetant à son portrait un regard suppliant en signe d’adieu.

— En vérité, pensait-elle, j’eusse préféré le couvent ! Oh ! je suis bien malheureuse !