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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Tu crois ? dit Lauzun en l’invitant à s’asseoir auprès de lui sur l’un des bancs de la grotte.

— Miséricorde ! objecta Paquette, si Mademoiselle me voyait !

— Et moi donc ! mais rassure-toi, elle est allée à Versailles.

— Ah mon Dieu ! j’ai peur, dit Piquette en sa reculant du comte, j’eusse mieux aimé la savoir ici.

— Pourquoi cela ?

— Dame, je ne sais pas trop, mais depuis qu’on m’a dit que vous étiez son mari…

— Son mari ? répondit tristement Lauzun ; est-ce qu’elle est venue me voir seulement dans ma prison ?

— Pour cela, c’est vrai, et pour mon compte, je lui en sais gré. C’était bien assez de madame d’Alluye et d’une certaine madame Tiquet[1]. Je ne sais pourquoi, mais avec leurs airs de condoléance elles vous rendaient toujours triste.

— Tandis que toi, douce et prévenante, tu m’arrivais toujours avec de gais refrains et de bonnes paroles ! Et puis, tu es si jolie ! Il est vrai que tu ne venais guère me trouver sans être accompagnée de ce gardien Burot, qui avait toujours l’œil ouvert sur M. Fouquet et sur moi… Mais comment se fait-il que tu nous aies cachés ta naissance ? Comment ce Leclerc…

La jeune fille parut troublée à cette interrogation du comte, elle rougit, pâlit, puis reprit presque aussitôt :

— Mon père avait ses raisons pour ne point vouloir être connu. Enveloppé alors dans la disgrâce du surintendant…

— Fort bien, il t’avait confié à M. Fouquet lui-même. Pauvre surintendant ! il est mort, et je puis bien dire qu’avec lui j’ai tout perdu…

— Comment cela ? demanda Paquette d’une voit troublée.

  1. Madame Tiquet, avant d’obtenir une imputation aussi tragique et d’ajouter son nom à tous les noms des Causes célèbres, avait affiché pour Lauzun un culte romanesque.