Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

quelques secondes à donner les signes de l’agitation la plus vive.

Ursule et Paquette le considéraient en silence ; aucune d’elles n’osait l’interroger, tant la mauvaise humeur qui plissait le front du financier les effrayait.

— Au diable les femmes ! dit-il tout d’abord à Ursule en maugréant, elles ne savent pas même nous composer une valise ! Je suis arrivé à Marseille avec un équipement de recors, aussi m’a-t-il fallu garder, la plupart du temps, les arrêts forcés dans mon auberge. Trois chemises et un habit !

— Mais il me semblait, monsieur, que cela était bien suffisant, répliqua en se redressant la gouvernante ; auriez-vous d’aventure été au bal ou donné les violons à quelqu’un ?

— Il s’agit bien de cela, impertinente ! Est-ce que je n’avais pas à voir en cette ville des gens titrés, des gens qui avaient jadis entamé avec moi quelques affaires ? Vous prenez bien mal votre temps pour me parler de bal, à moi qui n’y ai point mis le pied. Vous informez-vous seulement de la façon aimable dont je suis revenu de Lyon, tantôt à cheval, et d’autres fois en charrette ? J’avais manqué le carrosse, et j’ai cru périr vingt fois en route.

— Si vous vouliez souper, monsieur, insinua Paquette de son ton de voix le plus doux en voyant Leclerc arrêter sur elle ses deux gros yeux.

— Et vous, mademoiselle, reprit Leclerc d’un air grave comment se fait-il que je vous retrouve ici ? Vous n’avez donc pas vu M. Lecamus, mon confrère et mon ami ? il ne vous a point présentée à la princesse ?

— Pardonnez-moi, monsieur, reprit Paquette avec assurance, ce n’est pas ma faute si je n’ai pu convenir à Mademoiselle. Aujourd’hui je m’en félicite et je remercie le ciel ; ne me rend-il pas mon guide, mon protecteur, moi père ?

À ce nom de père, le visage du financier se rembrunit