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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

de nouveau, et cependant il parut touché du charme et de la grâce de Paquette.

— N’importe, murmura-t-il sans qu’Ursule pût l’entendre, peste soit des gens qui vous envoient des jeunes filles N’ai-je pas assez d’ennuis et de tourments, et me faudra-t-il toujours veiller ?…

En ce moment une toux sèche retentit près de la porte, Leclerc leva la tête et Ursule prêta l’oreille. C’était M. Lecamus.

Leclerc se hâta de congédier les deux femmes, la visite de son ami lui paraissait au moins indue à pareille heure, et son importance ne lui semblait pas douteuse.

M. Lecamus était un grand homme maigre, cousu de mystère et de silence de la tête aux pieds ; à part sa toux, on l’eût pris pour un fantôme. Il salua Leclerc, prit un siège, s’assit et toussa de nouveau en le regardant avec une profonde immobilité.

— Eh bien ? demanda Leclerc.

M. Lecamus ne dérangea rien de ses yeux et de sa pose.

— Mais qu’est-ce, qu’y a-t-il, pourquoi venez-vous à mon débotté ? Voyons.

M. Lecamus baissa tristement la tête et soupira.

— Avez-vous fait vœu de me faire mourir ? poursuivit Leclerc ; parlez, qu’est-il arrivé ?

— Il est arrivé… répondit M. Lecamus ; mais non, mille fois non ; ah ne m’interrogez pas !

— Alors, que venez-vous faire ici ? Seriez-vous poursuivi, traqué ; me demandez-vous asile pour cette nuit ?

— Je ne vous demande que de m’entendre et de réfléchir, reprit sententieusement M. Lecamus ; seulement, il faut que vous vous donniez patience.

— De la patience ! j’en aurai, s’écria Leclerc d’un ton qui ne faisait guère bien augurer de la sienne. Parlez, car je vous écoute.

M. Lecamus se leva alors de son siège, et s’assura que la porte de l’appartement était bien fermée.