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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Avez-vous vu brioché, mesdames, ajoutait Lavardin, il a un acteur de bois, petit, maigre et triste, qui ressemble…

— Assez, monsieur, murmura Lauzun, pâle de colère, ce n’est pas de sang-froid que vous avez pu sans doute entendre de pareilles choses.

— Vous avez raison, mon oncle, répondit Riom en dégageant de sa poitrine semée de dentelles son bras droit qu’il y tenait enfermé, j’ai provoqué M. de Lavardin, et il s’est battu, la chance a été pour lui, j’ai reçu ce coup d’épée…

Et Riom fit voir à son oncle une égratignure qui ravit le comte. Il embrassa son neveu, et le tenant serré contre sa poitrine :

— Riom, lui dit-il, je te rendrai cela dans l’occasion ; me voilà ton débiteur !

— Et vous êtes bon pour me payer, reprit Riom ; maintenant ne me brouillez pas trop seulement avec ces dames. Une d’elles n’a rien dit, c’est la jolie madame d’Alluye.

— Oui, mais je hais son mari, grommela Lauzun entre ses dents serrées par la rage, et si je n’y mets ordre, elle finirait par l’aimer !

— Que dites-vous ? demanda Riom.

— Rien, si ce n’est que tu me feras plaisir de m’apprendre le nom de la belle que courtise Lavardin.

— L’ignorez-vous donc ? C’est une magnifique antiquité. Lavardin s’en cache fort, mais il en est véhémentement soupçonné, il est dans les fers de la maréchale d’Humières.

— L’homme de courage ! reprit Lauzun, il est écrit que Lavardin doit me succéder en tout…

— J’espère, mon cher oncle, que vous avez dans Riom une gazette aussi exacte que Dangeau.

— C’est vrai, aussi, à dater de ce jour, je paye tes dettes.

— Prenez garde, mon oncle, cela m’encouragera à recevoir des coups d’épée !

— Va, mon cher Riom, je ferai bien mes affaires moi-même Ah ! ils disent cela… continua-t-il en se promenant d’un air agité.