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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Cela est assez juste, ajouta Lavardin d’un ton goguenard.

— Et cependant, messieurs, poursuivit Lauzun, si vous vous trompiez, si vos présomptions étaient aveugles ; en un mot, si ces trois dames…

— Est-ce une gageure, comte, dit Lavardin, raillez-vous ?

— Je ne raille point. Je dis seulement qu’il n’y a rien de Si peu sûr que la confiance.

— Et sur quoi fonderiez-vous vos suppositions, monsieur, demanda le maréchal d’Humières d’un ton sérieux.

— Mon Dieu, maréchal, répondit Lauzun, sur le train ordinaire des choses. Moi, par exemple, ne me croit-on pas usé, vieilli, déchu de mes avantages, et mes ennemis ne disent-ils pas que je dois prendre ma retraite ? De mon écharpe ils me font une corde ; ma plume blanche, ils la cassent au vent mon épée, ils voudraient que je la pendisse au croc ! Ils se rangent en haie quand je passe chez Monsieur, et ils se disent : Voyez donc, mais c’est l’ombre de Lauzun ! Ne parlons pas trop haut, nous blesserions ses oreilles. Ne trouvez-vous pas que sa fortune ne méritait guère le tourment qu’il s’est donné ? Il nous revient avec les façons d’un Iroquois. Pendant qu’il était à Pignerol, la mode a changé, son vent souffle ailleurs, elle ne le porte plus, elle l’écrase. Ce pauvre M. Lauzun, ajoutent tes femmes, quel échec ! Est-ce donc là cet homme si vanté, si charmant, si dangereux ? Qu’est devenue sa puissance ? C’est à faire pitié, autant vaudrait pour lui qu’il fût mort comme Fouquet. Vive Dieu ! mesdames, je vous sais gré du souhait, mais je ne veux point mourir ! Cela ferait d’abord trop de plaisir à mes ennemis. Ah ! je ne suis plus qu’un câble bon à jeter au feu ! Eh bien ! à dater de ce jour, vous sentirez mon pouvoir, vous qui le niez je suis, je veux être magicien ! Roquelaure, d’Humières, Lavardin, Monaco, demandez-moi ce que vous voudrez, fût-ce l’impossible, sans sortir d’ici, je vous satisfais ; parlez !