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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Ne peut être plus ardente que votre passion pour lui. Par bonheur, Pignerol n’est pas Amboise !

— Mademoiselle, répondit madame d’Alluye, il se peut que vous soyez plus belle et plus recherchée que moi, mais puisque vous voulez le savoir, eh bien, oui, je ne rougis pas d’aimer M. de Lauzun. Votre beauté, mise en balance avec mon cœur, ne l’emportera pas, croyez-le bien. Mais voici le duc de Roquelaure et le prince de Monaco, ils paraissent se disputer…

Le prince, en effet, avait toutes les peines du monde à comprendre les consolations que lui adressait Roquelaure, et de son côté, le duc se frottait les mains en riant des surprises qu’il venait d’improviser. Profitant des dispositions inquiètes de l’assemblée, il avait intrigué chacun de ses amis par des rencontres imprévues, prenant un infernal plaisir à les brouiller, et leur annonçant que la bombe n’éclaterait qu’à minuit.

— À minuit, dit le maréchal d’Humières, la meilleure surprise, pour moi, serait de m’endormir dans mon lit en songeant que je gagne une bataille !

— Moi, cent mille pistoles ! reprit la Feuillade, le grand joueur.

— Moi, que je fais pendre Grammont, murmura le prince de Monaco.

— Et moi, que l’on va souper à l’instant, dit Roquelaure.

En ce moment, le timbre aigu de la pendule sonna minuit, tout le monde se regarda.

— Attention ! dit madame la maréchale d’Humières à madame de Roquelaure.

— En ma qualité de présidente, dit madame de Roquelaure, je dois seule ouvrir ce coffret.

Et tirant de son sein une petite clef, la maréchale de Roquelaure l’approcha de la serrure d’une boîte de vermeil que lui présentait un page.

Un silence profond plana sur toute rassemblée. Madame