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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

de Roquelaure prit dans le coffret un paquet scellé de noir ; elle en rompit les cachets.

— Qu’allez-vous nous lire ? demandèrent bruyamment les invités en se groupant autour d’elle. Ils tremblaient que la fête annoncée ne se changeât pour eux en quelque lecture fastidieuse, comme il s’en faisait à l’hôtel de Rambouillet

— Rassurez-vous, reprit la maréchale de Roquelaure en souriant et en frappant de la main sur l’écrit qu’elle tenait, ceci est le testament de M. de Lauzun !


II

LE TESTAMENT DE M. DE LAUZUN.


À la seule annonce de cette miraculeuse nouvelle, un murmure confus avait parcouru tout le salon, les visages des spectateurs exprimaient tout leur étonnement ; on se demandait si Lauzun avait péri victime de quelque machination secrète.

Sa disgrâce était connue ; sa haute fortune lui avait suscité grand nombre d’ennemis. Louis XIV, qui venait cette année-là même de s’établir à Versailles, ne dissimulait guère son courroux contre l’indigne époux de Mademoiselle. La captivité du favori avait été longue ; à part quelques joueurs qui regrettaient ses pistoles[1], quelques amis de plaisir et aussi quelques dames dont il avait réussi à conserver les bonnes grâces, même au sein de l’adversité, Lauzun était plus haï qu’aimé, car peu d’hommes eurent à la

  1. Heureux et beau joueur, Lauzun tenait note exacte de ce qu’il gagnait on perdait. Réglé dans son désordre, il allait jusqu’à écrire sur son carnet les visites qu’il devait faire. M. de Bruges nous fit voir dans le temps quelques feuilles de ce carnet ; les armes de Lauzun, qui portait tiercé en bandes d’or de gueules et d’azur, s’y trouvaient accolées à celles de Mademoiselle.