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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Diable ! c’est un peu dur ; mais cependant voici une auberge…

— De belle apparence, c’est vrai, et de plus là-bas un gros nuage noir de mauvaise mine.

— Entrons dans l’auberge et laissons passer le grain. Nous saurons en ce lieu si l’on a aperçu le carrosse en question.

Ils passèrent tous deux dans la salle à manger de la Raquette d’or, l’hôtesse y tournait elle-même la broche. C’était un bouchon des plus médiocres, et il n’y avait pas apparence qu’on s’y arrêtât, à moins d’une roue cassée.

— Bonne femme, dit Lauzun en s’adressant à l’hôtesse, n’auriez-vous point vu passer tout à l’heure un carrosse bleu ?

— Ma foi, mon cher monsieur, il en passe sur cette route-ci de toutes les couleurs ; je ne me souviens que d’un grand homme pâle qui s’est arrêté chez nous, et m’a fait la même question. Par parenthèse, il courait la poste dans une chaise digne du diable. Il n’a pris que le temps de manger un morceau et de faire raccommoder sa boîte, à laquelle il manque autant de clous, sur mon honneur, que d’écus dans ma tirelire.

— C’est peut-être Brancas… Il aura oublié l’heure, dit Riom ; il est si distrait ! N’a-t-il pas pris à l’armée une vache sellée pour son cheval ?

— Ne perdons pas de temps, Riom, vite ! vite ! cria Lauzun.

— Laissons donc au moins passer cette ondée, grommela le postillon ; nous courons le risque d’être enlevés ; voyez donc.

La pluie menaçait, les arbres ployaient au vent. Un orage accompagné de grêle se forma bientôt, et le postillon se vit forcé de remiser la voiture.

— Un joli temps ! dit Riom ; le carrosse qui nous précède doit marcher au pas nous l’aurons bientôt rejoint.

— Madame, reprit Lauzun en s’adressant à l’hôtesse, quelle mine avait le voyageur en question ?