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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

XIV

LE CABARET DE LA BELLE ÉPÉE.


Le lendemain, il y avait foule au cabaret de la Belle épée. Ce lieu de plaisance se trouvait non loin de l’hôtel Carnavalet. On y voyait de tout : des grands seigneurs et de pauvres hères, des suisses de bonne maison et des porteurs de chaises attendant fortune ; il s’y faisait des parties de paume, et le prince de Marsillac y venait souvent. Un certain chevalier, nommé Grimargin, y avait un jour été rossé de la belle manière par Seignelay, parce qu’il trichait au jeu, et depuis ce temps il s’était établi dans le cabaret une discipline sévère. L’hôte était un grand diable qui avait fait la guerre au bon temps ; il n’aimait que les gens d’épée. C’était peut-être à cause de cela qu’il avait pris son enseigne.

Une toile tendue sur l’arrière-partie de l’établissement, qui donnait sur un jardin, abritait un jeu de paume où les plus galants de la cour ne rougissaient pas de jouer à de certains jours, et ces jours-là le cabaret était plein.

Parmi ces hôtes assidus de la Belle épée, nos lecteurs eussent reconnu bon nombre de nos personnages.

C’était d’abord Roquelaure, à qui Ménage reprochait d’aimer l’argent[1] ; il espérait gagner à la paume celui du marquis d’Alluye. Lavardin y venait boire avec le marquis de Camardon, et Cavoie y avait amené Villequier. Dans un quart d’heure au plus, on y attendait le prince de Monaco, qui déjeunait chez le marquis de Grancé avec la Dumesnil, chez laquelle il allait tous les matins en pénitent, le chapelet à la main. On prétendait enfin que de Vardes, exilé pour ses méfaits, avait en ce lieu des affidés qui lui envoyaient sous main les nouvelles de la cour et de la ville.

  1. Ménagiana.