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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

La conversation, en effet, était loin d’y chômer, et depuis l’aventure de la duchesse de la Ferté avec M. Lavocat, celle du comédien Baron et de madame de Bertillac, il n’était question en ce beau lieu que d’assaisonner son prochain à la belle sauce.

Roquelaure commençait le branle par une histoire assez verte sur madame de la Ferté et le chevalier de Lignerac, quand Lavardin lui frappa sur l’épaule impertinemment :

— Mon cher duc, lui dit-il, quoi que vous puissiez conter, cela ne vaudra pas l’histoire de mademoiselle de Retz.

— Son enlèvement ! reprit le duc, piqué ; allons, c’est de l’histoire ancienne, monsieur de Lavardin !

— Vous la saviez ? demanda Lavardin interdit ; c’est cependant Riom qui me l’a contée ce matin même, à l’auberge des Trois cuillers.

— Et madame de Lesdiguières m’avait donné tous les détails de la chose dès hier soir. Monsieur de Lavardin, levez-vous plus tôt une autre fois.

Lavardin se mordit les lèvres.

— Madame de Roquelaure, reprit-il, peut seule consoler M. de Lauzun de cette aventure.

— Et pourquoi cela, je vous prie, monsieur de Lavardin ?

— Parce qu’elle était cachée, bien cachée, monsieur de Roquelaure, dans l’un de ces cabinets où nous n’avons trouvé que madame d’Humières.

— En ce cas, c’est mal à elle d’avoir abandonné la maréchale. Elle vous eût aussi épargné ses coups de griffe.

— Monsieur le duc, reprit Lavardin, savez-vous que depuis votre duel à Vincennes, vous vous croyez un personnage, à ce qu’il paraît ?

— À ce qu’il paraît, monsieur de Lavardin, vous croyez que M. d’Humières est aveugle ! Allez, il sait bien d’où vous vient ce nœud de pierreries et ce gland d’épée que vous avez là.

— Et moi je sais aussi d’où vous vient votre faconde.