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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

je vous dois un nom, ce nom le voici : cet homme c’est M. de Lauzun !

— M. de Lauzun ! murmura Leclerc, comme si le fer aigu d’une lame fût entré dans sa poitrine.

— Eh bien ! qu’avez-vous donc ? lui demanda-t-elle, assez à plaindre par elle-même pour être alors sans pitié.

— Oh ! malheur sur moi, reprit le vieillard, malheur sur moi ! ma vengeance est impossible !

— Impossible ! s’écria-t-elle en étreignant pour la première fois un rayon de joie et d’espérance.

— Impossible, dit Leclerc d’une voix sourde, cet homme est le fils de celle qui vient de me sauver, là, tout à l’heure ! Elle m’a fait sortir par son crédit de mon cachot !

Ces paroles à peine dites, il sortit en toute hâte.

Dans son trouble, Leclerc venait de heurter un homme au seuil de l’appartement ; cet homme c’était Saint-Preuil. Il se précipita sur les pas de Leclerc dans l’appartement.

— Qu’y a-t-il, mademoiselle ? demanda-t-il d’une voix pleine d’alarmes. Que veut dire ce bruit ? Courez-vous quelque danger ?

— Un danger réel, Saint-Preuil, il faut que vous m’aidiez, que vous quittiez Paris à l’instant même.

— Quitter Paris, et pour où ?

— Pour Calais, où Saint-Évremont débarque cette nuit, il faut que vous le voyiez, que vous lui disiez… Mais cette lettre commencée pour lui, cette lettre que vous pouvez ouvrir… vous apprendra mieux que mes paroles ce que j’espère et j’attends de vous.

— Disposez de moi, je suis à vos ordres.

— Après demain donc, soyez ici, j’ai besoin de vous, surtout pressez-le, revenez avec sa réponse !

Saint-Preuil la quitta, sella un des chevaux de la comtesse et partit.