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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/266

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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

XVI

LA DERNIÈRE FÊTE DE LAUZUN.


Le bal avait lieu chez la marquise de Montespan.

Dans un boudoir attenant aux salles de réception de la marquise, deux personnes causaient étendues mollement sur l’ottomane.

C’étaient d’Alluye et Roquelaure.

— Ne trouvez-vous pas, mon cher marquis, disait le duc, que c’est bien là une invention de la belle marquise ? Nous donner un bal au moment de sa disgrâce ! Car enfin Sa Majesté adore mademoiselle de Fontanges, cette Fontanges que Choisy proclamait hier belle comme un ange et sotte comme un panier. N’importe ! elle l’adore, elle en est coiffée, et la pauvre marquise va se voir forcée de battre en retraite. Aimez donc les rois ! En vérité, il n’y a qu’heur et malheur dans ce bas monde.

— Monsieur le duc, reprit d’Alluye, n’avez-vous pas vu Lavardin ?

— Que m’importe cet homme ? Vous le trouverez caché dans un des plis de la robe à madame d’Humières.

— Oui, mais il m’importe à moi de le voir. J’ai un jeune homme à présenter à la marquise ; vous savez, mon cher duc, le petit enseigne de l’autre jour. Il a sur le cœur ce que vous lui avez dit du comte de Lauzun, et c’est un homme à tout entreprendre. Cela jettera quelque diversion dans ce bal, aussi guindé qu’un duc à brevet ; je ne dis pas cela pour vous offenser, mon cher Roquelaure. Lavardin me manque, ajouta le marquis ; il n’est pas plus que moi ami de Lauzun, et son intervention dans cette affaire…

— Parbleu, mon cher marquis, vous vous donnez bien du mal. Laissez-moi entamer le comte dans l’esprit de la marquise, qui, je ne sais trop pourquoi, a jugé sage de se