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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

voir, marquise, vos salons se remplissent, et je ne voudrais pas que pour un million…

— Qu’est-ce à dire ?

— Je ne voudrais pas, poursuivit Roquelaure, que pour un million les méchantes langues de la cour pussent me croire un moment en bonne fortune avec vous. Je sais trop ce que je vous dois. N’avez-vous pas dit, au lever de Monsieur, que je ressemblais à un sapajou, et qu’il était dommage que le votre fût bien portant ? Merci, je me sauve et ne réclame pas sa survivance. Tenez, par ma foi, voici M. de Lauzun, il arrive bien à propos.

— Lauzun, murmura la marquise, Lauzun ? ne dites-vous pas, duc, qu’il vient d’entrer ? Oh ! je veux le voir, il me tarde de le confondre.

— Après tout, marquise, reprit Roquelaure en s’enfuyant, M. de Lauzun est le plus bel homme de la cour… après le roi !

Ce dernier sarcasme confondit la pauvre marquise. Elle n’ignorait pas le penchant nouveau de Sa Majesté, mais ce dont elle eût voulu douter pour un empire, c’était de l’infidélité de Lauzun. Avant d’entreprendre ce siège redoutable, le siège d’un galant cuirassé contre les reproches, elle crut devoir rassembler autour d’elle quelques-unes de ses fidèles. Son choix la servit mal, il tomba d’abord sur mesdames d’Alluye et de Monaco.

— En vérité, dit-elle en écoutant les récriminations de ces deux femmes, le comte mérite peu que l’on s’intéresse à lui. Moi qui pressais hier encore Sa Majesté de le faire duc ! Patience nous verrons bientôt.

Un instant après, madame de Montespan rencontra mesdames de Roquelaure et d’Humières.

Au seul nom du comte prononcé par elle, ces deux victimes de Lauzun ne manquèrent pas de se répandre contre lui en accusations détournées. Le procès du comte une fois instruit, il ne s’agissait plus que de se venger, et toutes cinq en convinrent. Madame d’Humières était la