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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Oui, je vous en conjure, variez vos lettres ; ne fût-ce que pour M. le maréchal ; il ferait cruel de ne pas lui laisser les privilèges de son rang.

Et comme le maréchal s’approchait

— N’est-il pas vrai, monsieur, que madame la maréchale a tort de ne pas écrire ? Elle ferait pâlir les dames de l’hôtel de Rambouillet ; par malheur, elle n’a qu’un style.

La maréchale s’en fut l’oreille basse et entraîna son mari en feignant de ne pas comprendre.

— Eh bien prince, qu’avez-vous ? demanda Lauzun en s’avançant vers madame de Monaco.

— Je suis furieuse contre vous, dit-elle à voix basse.

— Mais non contre Grammont, qui voudrait me voir retourner à Pignerol. Madame la princesse, défiez-vous de mon boudoir ; à Grammont la fleur, mais à Lauzun le bouquet.

Et Lauzun enleva le bouquet de la princesse.

— Mon cher prince, reprit-il en saluant M. de Monaco, êtes-vous content de mon legs ?

— Allez au diable ! dit M. de Monaco furieux.

— Allons, je le vois, vous aimez mieux votre palais de Monaco que Pignerol. C’est dommage, un hôte si illustre ! Ne me faites pas pendre, au moins.

— Mon cher Roquelaure, ajouta Lauzun, vous ne feriez rien de mon miroir ; rendez-le-moi. Le voyage a dérangé quelques boucles de ma perruque. Sur mon honneur, la votre est fort belle ; je vous fais mon compliment de votre bonne mine, et vous remercie de n’avoir pas pris ma survivance.

— Mais avouez donc, mesdames, poursuivit Lauzun, que c’est là un bal délicieux, un bal digne de Marly ou de Versailles. À Pignerol, je crains seulement d’avoir oublié la courante… Maréchale, montrez-la-moi.

Lauzun s’enlaça alors bon gré mal gré à madame de Roquelaure ; il la fit tourner et pirouetter tant et si fort, que la maréchale retomba essoufflée sur un sofa.