Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

contenu de cet indigne testament. M’y traiter comme une vieille folle, m’y railler, et venir ensuite là… sous mes yeux… saisir le bouquet de madame de Monaco, danser avec mademoiselle de Retz et donner un billet à madame d’Alluye ! Mais le roi le saura ; oh ! je me vengerai, et d’abord je dirai tout à Mademoiselle.

— Vous ne lui apprendrez rien.

— Comment, elle sait tout ?

— Excepté ce que je ne dois pas lui dire. Ainsi, tenez, ma chère maréchale, je ne lui ai jamais dit qu’à la petite porte du parc de Choisy… et pendant qu’elle était à Paris, au Luxembourg…

— Silence, monsieur de Lauzun, par pitié, silence ! fit la maréchale effrayée. Au nom du ciel ! ne voyez-vous pas qu’on nous observe ! Il est vrai, je fus vous voir à Choisy, mais…

— Oh ! rassurez-vous, madame la maréchale, je suis discret, j’ai appris à me taire à Pignerol. N’est-il pas vrai, mesdames, continua-t-il en se tournant vers un essaim curieux et craintif de belles dames qui s’avançait, n’est-il pas vrai que nulle de vous n’a rien à craindre d’un prisonnier de Sa Majesté ?

— Oui, mais vous ne l’êtes plus, monsieur le comte, objecta la princesse de Monaco avec une coquetterie alarmée.

— Prisonnier à Pignerol, oh ! non, mais…

— Mais vous allez revoir Versailles, Saint-Germain, toute la cour ; chacun vous pressera, vous interrogera après ce silence forcé. Le roi vous attend, il vous demande.

— Le roi, la cour, Versailles répéta Lauzun, arraché par ces derniers mots aux charmes délicieux de son rêve, détrompez-vous, mesdames, je demeure prisonnier.

— Comment, cet hôtel ?…

— N’est pour moi qu’une prison dorée, un nouvel exil, reprit le comte tristement. Rancunier dans sa grâce, le roi m’avait permis d’abord de revoir la France sans Paris, maintenant il me permet Paris sans Versailles. La cour n’est