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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

VI

L’IMAGE.


La brusque apparition de ce personnage glaçait la dame de frayeur ; elle s’appuya tremblante contre le marbre de la cheminée.

— Que me voulez-vous ? qui êtes-vous ?

Ce furent les seules paroles que sa bouche pût prononcer. En même temps elle avait levé le couvercle de sa lampe et considérait avec un regard plein d’angoisse le visiteur inattendu qui se présentait.

C’était un homme d’un aspect inculte et presque sauvage. L’eau ruisselait alors sur sa cape d’étoffe grise, déchirée en vingt endroits ; il n’avait point d’armes, et il traînait à son bras gauche un reste de chaîne brisée.

Sa taille était haute et sa tournure militaire, une ceinture de cuir fauve serrait ses reins, ses pieds étaient nus, meurtris par les ronces et les cailloux.

Il eût été difficile de distinguer, au premier abord, si ce singulier personnage était un héros de grand chemin évadé de quelque geôle, ou un prisonnier de conséquence.

En effet, ses mains étaient robustes et calleuses, son vêtement, vulgaire et misérable.

D’un autre côté, ses traits étaient aussi beaux que réguliers, sa lèvre dédaigneuse semblait encore garder l’habitude du commandement. Doué d’une miraculeuse agilité, il venait sans doute de se frayer un passage à travers les baies et les fourrés, véritables barrières de ce terrain ; quelques gouttes de sang collées à ses cheveux et à ses habits prouvaient que la lutte avait été âpre, cruelle.

— Rassurez-vous, dit-il à la dame en s’apercevant de la crainte qu’il inspirait, ce n’est qu’à moi qu’on en veut ; le danger qui me menace, a pu seul me déterminer à vous