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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/49

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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Dieu, oh ! mon Dieu, mais que faire pour vous sauver ? murmura-t-elle dans son trouble.

— Me cacher ici, ou m’enseigner une issue…

— Je n’en sais aucune.

— Ce fossé… là, sous ces broussailles… reprit Saint-Preuil en ouvrant l’une des fenêtres.

— Ce fossé…

— Oui, je ne me trompe pas, c’était autrefois un aqueduc ; il doit se continuer assez avant dans la campagne…

— La nuit est si profonde que vous ne sauriez vous en tirer…

— Laissez donc, par cette issue…

— Monsieur de Saint-Preuil, reprit la dame, c’est aller au-devant de la mort, c’est impossible…

— La mort, dites-vous ? Et tout à l’heure, madame, ne l’ai-je pas bravée cette mort ? Ne puis-je l’affronter encore de nouveau ?… Regardez plutôt ; pour sortir de ce triste cachot d’Amboise, j’ai dû ramper d’abord sur les genoux et les mains ; l’un de mes bras, celui-ci, a été traversé par l’un des piquants de la citerne. Doutez-vous maintenant, madame, de mon courage ?… Oui, c’est une volupté sombre et bizarre, j’en conviens, que celle que j’éprouve à lutter contre la mort ! Ce fossé… ajouta-t-il en le mesurant des yeux.

— Mais c’est un sacrilège !… Oui, cela serait infâme que de disposer ainsi de votre vie, reprit-elle en refermant la fenêtre par un geste résolu. Vous êtes venu implorer ici ma pitié, vous ne voudriez pas, vous ne devez pas me rendre témoin d’une mort aussi affreuse !… Vous retrouver là, sanglant, défiguré !… Un pareil spectacle, mon Dieu, ce serait horrible !…

Il y eut dans ces paroles heurtées par l’effroi, un accent sincère et pénétré que Saint-Preuil méconnut.

— Je vous comprends, reprit-il ; vous préférez, madame, que ma tête roule sous la hache du bourreau !

— Ah ! s’écria-t-elle par un mouvement d’horreur et de