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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Arrêtez, monsieur, s’écria-t-elle avec un accent de courageuse fierté, pas un mot de plus, je suis sa mère !…

— Sa mère ! répéta Saint-Preuil douloureusement ému. Oh ! madame, pardon… Ce n’est pas trop du sacrifice de ma vie pour effacer de semblables paroles ; acceptez mon repentir, je me jette à vos genoux.

— Vous êtes bien sévère pour M. de Lanzun, vous, monsieur, envers qui les hommes pourraient se montrer sévères !

— Vous avez raison, madame, répondit Saint-Preuil, oh ! oui, vous avez raison… Encore une fois, souffrez que je ne me relève pas avant d’avoir obtenu de vous l’entier oubli de mes torts ?

— Monsieur de Saint-Preuil…

En ce moment, des cris et des menaces retentirent au dehors. Des pas de chevaux ébranlaient le sentier voisin de la maison.

— C’est moi que l’on vient chercher, madame, dit Saint-Preuil ; hâtez-vous d’ouvrir, vous ne pouvez plus me sauver.

— Qu’avez-vous dit ?

— Que tout à l’heure, madame, répondit Saint-Preuil d’un son de voix altérée, je viens de vous insulter dans ce que vous aviez de plus cher ; je ne suis plus digne de cette compassion que vous m’accordiez, je reste.

— Y songez-vous, monsieur ? Mais ce sont vos ennemis, oh ! oui, ce sont eux, reprit-elle en soulevant d’une main tremblante le rideau de la fenêtre.

On frappait déjà à la porte de l’escalier.

— Madame, poursuivit Saint-Preuil, permettez que je me livre à ces hommes.

— Vous ne le ferez pas, répondit-elle éperdue et presque sans voix ; je les entends, monsieur, ils arment leurs mousquets ; encore un moment, et malgré ce verrou, la porte de cette pièce tombera en éclats et sera criblée de balles…

— Ouvrez, ouvrez ! cria en dehors une voix que la com-